Pour de nombreuses ONG ou parties prenantes l’urgence climatique n’est pas au cœur de la stratégie des entreprises et il agissent bruyamment, parfois avec violence pour faire valoir leur point de vue.

Pour les investisseurs institutionnels ou les gérants d’actifs européens, la régulation les amène progressivement à exclure de leur portefeuille les sociétés les plus « polluantes » n’ayant pas d’objectif de réduction de leur « scope 3 » en 2030 ou de neutralité carbone en 2050 en lien avec l’Accord de Paris de 2015.

Les entreprises ont pour la plupart d’entre elles bien compris la nécessité d’intégrer dans leur stratégie une réduction de leur « empreinte » et elles ont fait d’énormes progrès de présentation et de transparence notamment dans le secteur pétrolier ou bancaire.

Mais la réalité de ces mêmes entreprises les met en décalage par rapport à l’attente de leurs actionnaires ou parties prenantes que ce soit par manque de transparence (Carrefour) ou par refus de sortir de leur activité de base pendant cette période de transition (TotalEnergies).

Dans les deux cas, les investisseurs ont agi auprès de ces entreprises pour qu’elles répondent à leur attente.

Phitrust a déposé un point à l’ordre du jour de Carrefour pour que la société précise ses émissions Scope 3 et des investisseurs ont déposé une résolution dans le même sens, ce qui a amené la société à répondre très concrètement en Assemblée Générale avec des objectifs ambitieux.

Phitrust a posé une question à l’AG de TotalEnergies sur l’ambition du groupe en 2050 (rester un acteur fossile ou devenir majoritairement renouvelable ?). A la résolution d’autres actionnaires qui demandaient leurs objectifs scope 3 en 2030, TotalEnergies a répondu que ces émissions ne dépendaient pas d’eux et que même si l’objectif était de participer à la nécessaire décarbonation de l’économie, ils ne pouvaient décider à la place de leurs clients et devaient leurs vendre ce qu’ils voulaient acheter.

Deux façons très différentes de répondre à leurs actionnaires et parties prenantes. Cela pourrait malheureusement amener de nombreux investisseurs européens à vendre leurs actions TotalEnergies, Patrick Pouyanné ayant rappelé en Assemblée Générale que les actionnaires anglo-saxons étaient passés de 37 à 46 pct du capital de la société. 

Alors que l’Europe se préoccupe de son indépendance énergétique depuis la guerre en Ukraine, les demandes des régulateurs européens et les réponses de TotalEnergies à ses parties prenantes nous interpellent et appellent à ce que nous prenions conscience collectivement des risques importants si nous sommes trop dogmatiques ou si nous ne voulons pas écouter ses parties prenantes… Le dialogue de sourd n’est de toute façon pas une solution.

Olivier De Guerre

Simultanément ces jours-ci trois évènements totalement distincts montrent la très grande fragilité des grandes banques internationales aujourd’hui.

  • Crédit Suisse

En Suisse le gouvernement fédéral impose à la banque UBS la reprise de Crédit Suisse pour éviter une faillite et une déroute bancaire systémique. Alors que de nombreux analystes s’inquiétaient de la situation financière du Crédit Suisse, l’annonce officielle de son principal actionnaire saoudien qu’il ne soutiendrait pas financièrement le Crédit Suisse après être entré au capital en octobre dernier a créé une crise de confiance en Europe et aux USA (où simultanément la banque californienne SVB était mise en liquidation) qui a amené le gouvernement suisse à prendre cette décision radicale.

Pour permettre ce rachat, UBS a procédé à l’annulation pure et simple de 16 milliards de prêts subordonnés, ce qui était explicitement prévu « en cas de nécessité » dans les contrats souscrits par de très nombreux investisseurs.

Qui plus est le gouvernement a pris un décret qui autorise la fusion sans vote des actionnaires de Crédit Suisse en Assemblée Générale, ce qui revient à considérer qu’en cas d’extrême urgence, le droit de propriété et le vote qui est attaché ne valent plus rien.

Ces décisions montrent bien que l’intérêt général passe avant l’intérêt des actionnaires, si nécessité fait loi et que les investisseurs devraient bien lire les contrats des produits proposés avant d’y investir.

  • SVB Californie

La banque californienne a été mise en faillite du jour au lendemain à la suite de pertes liées à une mauvaise gestion de la couverture du risque de taux alors même que ces taux remontent, mettant en risque l’ensemble du secteur de la technologie car c’était une de leurs banques de référence.

Et cela a été possible car il y a 4 ans (mandat républicain) les ratios minimums exigés pour la couverture des risques bancaires et de marché avaient été allégés pour les banques moyennes aux USA. De là à imaginer d’autres faillites aux USA. Cela a amené les autorités à intervenir pour soutenir l’ensemble des banques moyennes en demandant notamment aux grandes banques de leur procurer de la liquidité pour éviter une crise systémique.

Les responsables politiques et bancaires européens ont publiquement essayé de rassurer les clients des banques européennes pour éviter une crise généralisée… car ce qui est en jeu est notamment la taille des hors bilans et des engagements des grandes banques dites « systémiques » (Crédit suisse était dans les 30 plus importantes…) qui sont très, très supérieurs aux fonds propres des dites banques, avec un risque de valorisation mal appréhendé par les marchés.

  • L’intervention du Parquet National Financier auprès des grandes banques françaises

Alors que de nombreux investisseurs s’interrogent sur la « bonne santé » des banques européennes et françaises, on apprend que le Parquet Financier enquête dans les plus grandes banques françaises sur la pratique généralisée du prêt de titres lors du paiement des dividendes et ce pour éviter l’impôt (la retenue à la source) à la suite d’une plainte déposée par un collectif en 2018 qui s’étonnait de « l’inégalité devant l’impôt ».

Nous avons depuis plus de 15 ans alerté les entreprises, banques, investisseurs ainsi que certaines autorités de place sur le développement de ces pratiques qui se généralisaient avec à la clé des profits « indus » pour les banques (qui ont d’ailleurs été obligées de les partager avec les investisseurs depuis car ils réclamaient une partie de ce gain…).

Ce mécanisme dit de « prêt de titres » est en fait une cession-rachat à une banque pour une période donnée qui amène les entreprises à constater une très forte rotation de leurs actionnaires, avec « l’impression » de ne pas avoir d’actionnaires « stables » alors même que leurs actionnaires se croyaient toujours actionnaires… ne réalisant pas qu’ils avaient en fait cédé leurs titres.

Certaines entreprises ont, suite à nos remarques, décalé le paiement du dividende à 2-3 semaines de l’Assemblée générale pour permettre le vote en AG, alors que d’autres ont préféré le laisser au moment de l’AG, s’assurant probablement une neutralité de vote lors de l’AG, les banques françaises s’abstenant de voter. Plus récemment certaines banques, conscientes des ces enjeux de gouvernance, ont proposé un démembrement du droit de vote afin de laisser aux institutionnels le droit de vote pour s’exprimer en AG.

Les banques françaises ne payant pas d’impôt sur les dividendes ont ainsi proposé depuis plus de vingt ans et de façon transparente aux investisseurs internationaux de pouvoir échapper à la retenue à la source associée au paiement du dividende avec un impact non négligeable sur la rentabilité de leurs investissements. Certains (notamment assureurs) ont refusé de le faire alors que d’autres y ont recouru très largement. Difficile de croire que les autorités de tutelle ne connaissaient pas ces pratiques anciennes.

La justice française enquête en 2023 sur un mécanisme financier connu depuis très longtemps par les entreprises et les acteurs financiers.  L’évolution de l’interprétation de pratiques autrefois considérées comme « possibles » fait peser un risque d’amendes très sévères sur les banques concernées et ensuite les investisseurs y ayant eu recours de façon systématique.

Trois exemples qui montrent bien l’extrême vulnérabilité des banques à leurs modalités de gestion du risque de taux en période de retournement, à la taille de leur hors bilan, aux opérations d’évitement fiscal considérées comme « normales » il y a encore peu de temps, qui peuvent à tout moment remettre en question la confiance de leurs clients. Mais qui montrent aussi qu’en cas de crise l’actionnaire ou le porteur obligataire ont tout à perdre d’une décision unilatérale.

Ce n’est pas nouveau (malheureusement) et il paraît que les investisseurs ont la mémoire courte.

Olivier De Guerre

Nos propositions visent à faciliter le dialogue entre les actionnaires et les membres des conseils d’administration qu’ils ont élus. Cela permettrait de renforcer « l’affectio societatis » pour le bien de toutes les sociétés et de toutes les parties prenantes.

En 2020 et 2022 des actionnaires se sont vu refuser par Vinci et Total le dépôt de résolutions « Say on Climate ». Un tel acte, qui va contre un « affectio societatis » commun, entraîne une défiance vis à vis de ces entreprises.

La jurisprudence française, que Phitrust connaît bien après près de 50 dépôts de résolution en 20 ans, est en effet suffisamment floue pour que les conseils d’administration ou les actionnaires interprètent différemment le Code de commerce qui régit le dépôt de résolution.

Phitrust, CIAM et l’Association française des investisseurs institutionnels (Af2i) ont travaillé depuis plusieurs mois avec l’avocate Sophie Vermeille pour proposer des aménagements de ce code pour éviter que cela ne se reproduise. Cette démarche comporte aussi une recherche d’harmonisation au niveau européen du droit des sociétés et des règles de dépôt de résolution. 16 investisseurs sociétés de gestion pour compte de tiers ont co-signé cette note, présentée aux autorités politiques concernées pour que ces propositions soient finalement intégrées dans un projet de loi qui sera présenté au Parlement en 2023. 

Ces huit propositions visent à assouplir le dialogue émetteurs / actionnaires notamment,  

> En demandant un seuil de détention proportionnel à la taille de l’entreprise, elles visent à faciliter le dépôt de résolution sur les questions ESG ou non pour que les assemblées générales permettent d’éclaircir, voire de trancher le débat (dans le cas de résolutions à caractère contraignant) sur un sujet de désaccord entre la société et ses actionnaires.

> Elles proposent que les résolutions puissent être déposées en amont des convocations aux assemblées générales et que le délai de dépôt de résolutions soit allongé afin de faciliter un dialogue en amont entre le Conseil d’administration et les actionnaires.

> Elles cherchent à éviter qu’un refus par une société d’inscrire une résolution d’actionnaires ne soit pas le fait d’une interprétation juridique univoque, en modifiant les modalités de recours auprès de Tribunal de commerce (règles de l’intérêt à agir et modalités de mise en cause collective du Conseil).

> Elles demandent une évolution réglementaire pour qu’un actionnaire, et non plus tous les actionnaires ayant déposé une résolution, puisse se rapprocher du Tribunal de commerce si une résolution est rejetée en n’ayant plus la nécessité de mettre en cause chaque administrateur mais bien la société elle-même.

> Enfin, elles proposent de se rapprocher des institutions européennes pour faire évoluer le droit des sociétés dans l’ensemble des pays de l’Union.  L’objectif est une harmonisation du droit des actionnaires afin de permettre ces inscriptions de résolutions sans que les disparités fortes qui existent ne soient encore un obstacle au bon fonctionnement de la gestion d’actifs financiers. Il s’agit aussi d’éviter que des entreprises françaises, ne souhaitant pas dialoguer avec leurs actionnaires, n’aillent se localiser dans des pays européens où ce droit leur permet de refuser des résolutions qu’elles n’auraient pas suscitées…

Nos entreprises ont besoin d’actionnaires engagés et actifs. Nos propositions visent à faciliter le dialogue entre les actionnaires et les membres des conseils d’administration qu’ils ont élus pour qu’ils prennent en compte leurs demandes et, s’ils ne les valident pas, les soumettent à tous les actionnaires. Cela permettrait de renforcer « l’affection societatis » pour le bien de toutes les sociétés et de toutes les parties prenantes.

N’hésitez pas à nous appeler ou nous envoyer un mail si vous souhaitez signer ces propositions ! Plus nous serons nombreux, plus nous serons entendus !

Le 30 juin 2021, les actionnaires de Phitrust, en assemblée générale extraordinaire, ont adopté le statut d’entreprise à mission, confirmant ainsi notre ADN, ancré au sein d’une communauté d’acteurs engagés pour l’impact. Un aboutissement logique pour Olivier de Guerre, président, et Denis Branche, Directeur Général délégué.

Notre raison d’être, « Investir pour agir et contribuer à faire grandir les entreprises qui intègrent au cœur de leur stratégie le développement de l’être humain et la préservation de notre planète», s’adjoint quatre engagements spécifiques qui incarnent notre identité et notre action, au service du bien commun :

  • Gérer des véhicules d’investissement soutenant le développement d’entreprises qui mettent l’impact environnemental et social au cœur de leurs stratégies.
  • Agir en tant qu’actionnaire engagé auprès des entreprises cotées en exerçant tous les leviers de l’engagement actionnarial pour faire évoluer leurs gouvernances ainsi que leurs modèles d’affaires et leurs pratiques environnementales, sociales.
  • Agir en tant qu’actionnaire engagé auprès des entreprises non cotées porteuses d’une vision inclusive de la société en accompagnant leur développement.
  • Mobiliser les investisseurs et les parties prenantes en faveur d’une finance au service du bien commun.

« Au sein de Phitrust, nous avons toujours eu deux activités : l’une d’investissement dans le non-coté en faveur de l’inclusion, et l’autre dans le coté, avec une activité d’engagement actionnarial. Nous sommes convaincus que les investisseurs ont une responsabilité à exercer afin que les entreprises et leurs dirigeants accélèrent la transition de leur modèle d’affaires en plaçant les enjeux sociaux et environnementaux au cœur de leur stratégie ». 

Olivier de Guerre 

« En inscrivant notre raison d’être dans nos statuts, nous poursuivons l’engagement et l’action de nos équipes depuis notre création en 2003.  Nous remplissons notre mission dès lors que nous arrivons à accompagner des entreprises cotées à modifier leur manière d’agir, et non cotées à déployer leur impact ». 

Denis Branche 

Beaucoup d’organisations de place, en France et dans le monde ont travaillé pour définir la notion d’impact

Intentionnalité, additionnalité, mesurabilité : trois critères clés pour définir un investissement à impact

– Intentionnalité : l’investisseur met-il au cœur de sa stratégie l’atteinte d’objectifs d’impact ? Avoir un impact durable et positif n’est pas le fruit du hasard, mais de la définition et de la mise en œuvre intentionnelle d’une stratégie pour l’atteindre. Investisseurs et entrepreneurs doivent être alignés, et faire de l’impact un critère d’arbitrage.

– Additionnalité : l’investisseur, au-delà de son investissement financier, accompagne t’il l’entreprise dans le déploiement de son impact ? Est-il en mesure d’aider l’entreprise à générer un impact additionnel ?

– Mesurabilité : piloter l’impact implique la mise en œuvre d’indicateurs, suivis dans le temps. L’atteinte des objectifs prouvent la pertinence des actions déployées.

Comment être impactant quand on gère des actifs cotés ?

Traditionnellement un actionnaire était un associé, mais à la fin des années 1990, pour les sociétés cotées le cadre conceptuel qui sous-tend le système financier actuel a changé. L’actionnaire est devenu un investisseur. Notre action a pour objectif de renouer avec notre rôle d’actionnaire responsable et de pousser les entreprises à prendre en compte les votes et questionnements de ses actionnaires, mêmes – et surtout- minoritaires. Ce dialogue peut et doit si nécessaire aller jusqu’à des initiatives publiques pour être efficace.

Nous créons ainsi de la valeur de long terme pour nos actionnaires (performances financières), pour les entreprises avec lesquelles nous dialoguons et agissons (performances ESG), pour les organismes de places et l’ensemble des actionnaires (alertes, sensibilisation et travail de lobbying actif sur certains sujets, …)

Par exemple, en 2019, face à la situation de blocage dans laquelle se trouvait le projet de fusion entre Essilor et Luxottica, en raison de problèmes de gouvernance, Phitrust a décidé de proposer à l’Assemblée des actionnaires de voter pour la nomination de deux administrateurs indépendants (2 résolutions déposées). Cette opération inédite pour une société du CAC40, a été conduite en lien avec Comgest et cinq autres actionnaires professionnels (Baillie Gifford, Edmond de Rothschild AM, Fidelity, Guardcap, Sycomore). Ces initiatives ont permis de débloquer la crise de gouvernance que connaissait le groupe.

For impact ou with impact ?

Dans le non coté, nous finançons et accompagnons les entrepreneurs qui placent leur ambition de transformation de notre société au cœur de leur projet d’entreprise.  Intentionnalité, temps long et mesure d’impact comme outils à la fois stratégiques et opérationnels sont au cœur de notre démarche. Nous privilégions les projets “for impact” qui placent l’impact social ou environnemental au coeur de leur stratégie d’entreprise (et non comme un objectif secondaire). La rentabilité économique est avant tout le garant de la pérennité. En mobilisant des investisseurs privés et institutionnels vers des projets entrepreneuriaux innovants, engagés et inclusifs, nous ouvrons un nouvel espace entre private equity et philanthropie : au-delà de l’apport financier, nous cherchons à créer autour des entrepreneurs un réseau d’experts et d’investisseurs engagés qui vont les accompagner sur le temps long afin de démultiplier leur impact pour la société.

Il vaut bien mieux faire de l’engagement qu’exclure (« divest ») car il s’agit d’accompagner les entreprises dans un processus de transformation qui sera long et complexe

Mi-décembre dans Citywire, la journaliste suédoise Siri Christiansen signait un article qui aurait dû créer un vif débat dans la communauté des investisseurs et gérant d’actifs « ESG » : ici

Elle relevait un fait : de plus en plus d’investisseurs s’engagent au sein de coalitions comme Nature Action 100 ou Climate Action 100+. Ces coalitions regroupent ceux qui déploient des démarches d’engagement auprès des sociétés cotées pour qu’elles changent leurs « business models » face aux enjeux climatiques et de biodiversité. La journaliste souligne que certains comme BlackRock ont mené 3 600 actions d’engagement auprès de 2 300 sociétés pour ne citer que ce gestionnaire d’actif bien connu. Elle s’interroge sur les raisons de cet engouement et sur le risque que la quantité ne nuise à la qualité.

Ce risque existe bel et bien. Comme le souligne l’article, il vaut bien mieux faire de l’engagement qu’exclure (« divest ») car il s’agit d’accompagner les entreprises dans un processus de transformation qui sera long et complexe, les entreprises ne pouvant pivoter d’un coup. L’économie aujourd’hui a (malheureusement) encore besoin de produits « carbonés » pour se nourrir, se loger, apprendre ou se former, voyager, se divertir… Il est étonnant que certains projets d’actions d’engagement pour lesquels nous sommes sollicités, demandent aux entreprises d’arrêter purement et simplement telle ou telle activité alors que des clients et consommateurs n’ont pas encore de produits de substitution…

Les investisseurs et gérants d’actifs ont toujours pour la plupart d’entre eux une vision avant tout financière (« finance first » comme le souligne les études de l’EVPA à Bruxelles). L’année 2022 a montré qu’il était difficile par exemple d’exclure les sociétés pétrolières ou de gaz d’un portefeuille sans risquer un décalage significatif par rapport aux indices boursiers… Parallèlement leurs clients investisseurs, les régulateurs (taxonomie européenne) ou les réseaux sociaux (proéminents dans la communication…) leur demandent de prouver qu’ils excluent de leur portefeuille toute activité « polluante ou considérée comme telle », ou à tout le moins s’engagent auprès des entreprises pour qu’elles transforment rapidement leur « business model ». Et comme l’horizon d’investissement est annuel et lié aux performances des portefeuilles… ces mêmes gérants d’actifs veulent des résultats rapides pour montrer qu’ils ont été « efficaces » et ont eu de l’Impact…
Après plus de 20 ans d’engagement systématique auprès de grandes entreprises (CAC40) sur des questions de gouvernance, environnementales ou sociales, nous avons appris que le temps était notre allié et qu’il permettait de créer des relations exigeantes, de confiance avec les dirigeants et conseils d’administration. Nous avons aussi appris qu’un processus de transformation au sein d’une grande entreprise est long et demande l’adhésion des tous les salariés, fournisseurs et clients. Heureusement, les jeunes salariés de ces entreprises sont aujourd’hui convaincus de l’urgence d’un changement de paradigme, ce qui accélère ces transformations. Mais il n’en reste pas moins que l’horizon est 2040 ou 2050 pour tous les scénarios sur lesquels elles travaillent, y compris d’ailleurs le GIEC.

Les discussions que nous avons depuis 2017 avec les entreprises sur les objectifs de réduction de leurs émissions de carbone montrent bien qu’elles ont peu à peu pris conscience de la nécessité de faire évoluer leurs processus d’extraction, fabrication, distribution… La technologie pour y arriver, balbutiante en 2016, est plus aboutie. Les scénarios se précisent, voire sont confirmés par des experts indépendants quand un accord est trouvé sur la méthodologie à utiliser et les indicateurs associés.

Les actionnaires doivent continuer à demander aux entreprises d’accélérer, aux conseils d’administration et aux dirigeants de concrétiser leurs engagements. Mais il serait contreproductif que ces mêmes actionnaires exigent des choix que ces sociétés ne pourraient faire aujourd’hui si ce n’est au détriment de leurs clients, salariés, fournisseurs et actionnaires. L’exercice demande du temps…

A l’aune de cette nouvelle année 2023, nous vous souhaitons une belle année et espérons que vous serez nombreux à soutenir notre approche de l’engagement actionnarial, convaincus que les entreprises dans lesquelles nous sommes investis et que nous essayons d’accompagner dans la transition de leur modèle d’affaire sauront avec leurs équipes et partenaires répondre à l’urgence de bâtir une économie décarbonée et riche d’une biodiversité renouvelée pour les générations à venir.

L’engrenage de l’exclusion de sociétés de qualité, qui n’ont pas aujourd’hui la capacité d’être considérées comme « vertueuses », est enclenché. Cela va avoir un impact très important à court terme sur l’actionnariat de ces sociétés et à terme sur leur valorisation.

La crise climatique et les exigences règlementaires qui s’imposent aux investisseurs européens (directive SFDR & Taxonomie climat) amènent ces derniers à privilégier dans leurs portefeuilles les entreprises qui répondent à ces attentes « règlementaires » et à désinvestir de celles qui n’y répondent pas. L’engrenage de l’exclusion de sociétés de qualité, qui n’ont pas aujourd’hui la capacité d’être considérées comme « vertueuses », est enclenché. Cela va avoir un impact très important à court terme sur l’actionnariat de ces sociétés et à terme sur leur valorisation.

Peu de commentateurs ont relevé par exemple que TotalEnergies est détenu aujourd’hui à 42% par des actionnaires anglo-saxons principalement américains. Cela aura un impact sur la réactivité du Conseil d’administration aux demandes d’actionnaires notamment américains qui n’ont pas les mêmes exigences que les investisseurs européens… 

Le même scénario se produit avec les sociétés distributrices de gaz, GNL… dans toute l’Europe alors même que la crise énergétique liée à l’accroissement de nos besoins, aux difficultés du parc nucléaire en France et à la crise ukrainienne montre bien la nécessité de ne plus dépendre aussi largement du gaz et du pétrole russe… 

Les investisseurs institutionnels sont quant à eux sous une telle pression règlementaire et médiatique qu’ils doivent suivre de près les entreprises énergétiques de leurs portefeuilles en leur demandant de réduire leurs productions d’hydrocarbure, de gaz, de GNL…. Ces dernières ne peuvent y répondre favorablement quand les gouvernements européens leur demandent, eux, de sécuriser l’approvisionnement…

Prises en tenaille, les entreprises doivent se transformer pour prendre en compte la nécessité de réinventer leur activité en présentant une stratégie à moyen terme qui privilégie les activités bas-carbone et leur permette de devenir à terme neutre en émissions de CO2. Ces changements transformatifs ne peuvent se faire que dans la durée et avec le soutien d’actionnaires qui les accompagnent dans ce parcours complexe et semé d’embûches. Ne serait-ce que par exemple sur les modes de calcul des émissions SCOPE 3 des sociétés pétrolières : pas de consensus parmi les parties prenantes, alors que ce critère est essentiel pour identifier l’impact de telle ou telle activité sur les consommateurs finaux… 

Depuis des années Phitrust a choisi le dialogue avec les dirigeants des entreprises du CAC 40 pour les accompagner dans cette transformation profonde et durable de leur activité, en s’attachant à demander avec exigence ce qui était possible de faire, et non « l’idéal » qu’ils ne pourraient pas mettre en œuvre. Ce travail est complexe et ne fait que commencer car les enjeux sont là, et les injonctions contradictoires un vrai défi pour les entreprises qui sont aujourd’hui utiles à la vie économique et à l’usage de chacun d’entre nous.

Espérons que l’année 2023 sera l’occasion de retrouver de la sérénité dans le débat et que les entreprises pourront trouver l’appui de leurs actionnaires pour qu’elles puissent accélérer la transition de leur modèle d’affaires. 

Très joyeuses fêtes !

Depuis l’Accord de Paris en 2015, grand public, entreprises et investisseurs ont pris conscience qu’ils devaient adapter leurs comportements à l’évolution nécessaire des fondements mêmes de nos économies. Le grand public dans ses modes de consommation, les entreprises dans la transition de leurs modèles d’affaires, les investisseurs dans leurs stratégies d’investissement. 

Le grand public a commencé à devenir « consomm’acteur » en essayant de modifier ses modes de vie par le co-voiturage, l’achat via les circuits courts, le recours à l’économie circulaire,… Cela prendra du temps ; les habitudes de voyage, de mobilité, de consommation… ne changent pas en quelques années.

Les grandes entreprises ont travaillé sur des scénarios « net zero » pour 2050. Certaines par elles-mêmes, d’autres poussées par les états. L’industrie automobile en Europe ne pourra plus ainsi y vendre de voitures thermiques. Le changement de ces grandes entreprises industrielles sera long car de nouvelles technologies sont à mettre en œuvre. De plus, elles doivent répondre à la demande actuelle, qui génère la rentabilité nécessaire pour investir dans cette nouvelle stratégie.

Les investisseurs ne parlent plus que d’impact, d’investissement positif. C’est une très bonne chose. Mais la composition des portefeuilles et le niveau de rentabilité attendu (il faut bien financer les retraites) montrent bien qu’aujourd’hui ils sont très modestement investis dans les projets permettant d’atteindre la neutralité carbone.

Face à ce lent « paquebot » qui a entamé sa mue, la jeune génération s’impatiente. Des actions de plus en plus marquées sont relayées par les médias tous les jours. La peur du lendemain, la crainte que la guerre en Ukraine ne retarde les premiers efforts faits pour faire évoluer les modèles d’affaires des entreprises, poussent les jeunes des pays développés à demander des changements plus rapides. Ils ne craignent pas une remise en cause du modèle économique et social actuel ; ils s’inquiètent de la situation de notre planète dans 10 à 20 ans. Certains d’entre eux sont prêts à tout.

Face à ces extrémismes, les pays développés sont tiraillés entre ceux qui ne veulent pas changer de modèle économique (les programmes politiques pour les élections Mid-terms aux USA en sont un bon exemple) et ceux qui appellent de leurs vœux un changement radical. La société se polarise sur ces enjeux climatiques, polarisation exacerbée par le retour de l’inflation après trois décennies de baisse continue.

Sans un mouvement rapide des entreprises vers une neutralité carbone avant 2050, nous risquons de voir monter ces extrémismes, le populisme revenir en force dans les pays développés et les tensions s’exacerber.

En tant qu’investisseurs, nous avons une responsabilité. Celle d’inciter les entreprises à aller plus vite dans la transition de leurs modèles d’affaires. Elles ne le feront que si elles perçoivent cette demande de la part de leurs actionnaires.

Ce sera encore cette année un des grands axes de notre engagement auprès des sociétés cotées. Pourquoi ne pas nous rejoindre en investissant avec Phitrust ? 

Olivier De Guerre

L’engagement des actionnaires sur le Long terme peut amener les entreprises à changer leurs pratiques, faire évoluer leur stratégie. Et que notre démarche montre ses fruits. 

Depuis plusieurs années, le mouvement « Divest-Invest » aux Etats-Unis essaie d’amener le maximum d’investisseurs institutionnels ou de grandes fondations à exclure de leurs portefeuilles les sociétés liées aux industries polluantes comme l’industrie pétrolière. Ce mouvement a eu un écho important auprès de fondations en Europe continentale et notamment en France (avec la Coalition Française des Fondations pour le Climat) considérant que si la plupart des institutionnels excluaient de leurs portefeuilles par exemple les sociétés pétrolières comme TOTAL ou ENI, ces dernières seraient amenées à changer de stratégie pour aller plus rapidement vers la neutralité carbone.

Cette démarche louable et ambitieuse, se heurte aujourd’hui à des réalités qu’il est difficile d’ignorer :

> La demande continue à croître notamment dans les pays émergents qui ont besoin de se développer ; ils n’ont pas aujourd’hui les infrastructures ferroviaires nécessaires pour limiter les déplacements en voiture ou en bus (roulant au diesel), ni les infrastructures électriques pour s’alimenter en électricité.

> La demande a explosé en Europe à la suite de la guerre entre la Russie et l’Ukraine obligeant les énergéticiens à aller chercher du pétrole ou du gaz auprès de fournisseurs n’ayant pas forcément mis en place les techniques les plus récentes pour diminuer ce qu’il est commun d’appeler « les externalités négatives ».

> Les grands concurrents de nos énergéticiens seraient ravis de racheter à « vil prix » ces très belles entreprises : cela leur donnerait accès à nos marchés et la plupart d’entre eux n’ont pas les mêmes ambitions climatiques que celles que nous avons.

En tant qu’investisseurs, nous nous trouvons donc exposés à une quête « du meilleur » des possibles pour préparer la transition énergétique, tout en recherchant une valorisation élevée de nos actifs pour répondre aux mandats de gestion confiés par les investisseurs, futurs pensionnés…

Un principe de réalité aussi qui s’impose à nous car nous continuons à cultiver la terre, produire des biens, prendre l’avion ou la voiture : des usages et des consommations qui ne répondent pas à l’enjeu de la transition climatique mais à des attentes des consommateurs que nous sommes au quotidien.

Schizophrènes, nous le devenons chaque jour un peu plus car notre société se hâte trop lentement vers l’objectif recherché, les citoyens que nous sommes continuant à vivre comme avant…

Depuis plus de dix ans, Phitrust essaie en utilisant tous les leviers de l’engagement actionnarial constructif à jouer le rôle de minoritaire actif, en amenant les grandes entreprises du CAC40 à prendre en compte les enjeux environnementaux (depuis Total en 2011 avec les sables bitumineux au Canada). Depuis 2017, nous appelons dans nos démarches d’engagement les entreprises du CAC40 à adhérer au « Science Based Targets-SBTI » qui valident les trajectoires stratégiques mises en place par les entreprises pour atteindre la neutralité carbone. Autant de démarches longues, systématiques qui ont montré leur pertinence : plus de 60% des entreprises du CAC 40 ont adhéré aux SBTI aujourd’hui…  TotalEnergies a ainsi radicalement changé de discours et essaie de modifier petit à petit sa stratégie… 

Plutôt que de « clouer au pilori » les dirigeants, nous préférons les alerter, leur proposer des idées, challenger et discuter avec eux et leurs équipes. Le résultat montre que l’engagement des actionnaires sur le Long terme peut amener les entreprises à changer leurs pratiques, faire évoluer leur stratégie. Et que notre démarche montre ses fruits. 

Mais il y a encore beaucoup à faire ! Joignons nos efforts et investissez dans notre Sicav France pour accroitre notre impact et être encore plus présent auprès des grandes entreprises afin qu’elles accélèrent leur transition.

Très bon été !

Olivier De Guerre

La crise en Ukraine et la reprise de l’inflation ont fait prendre conscience à la Communauté Européenne de l’urgence d’une politique qui essaye de répondre aux enjeux de l’inclusion en Europe.

Face à ces enjeux qui risquent de déstabiliser nos économies, nos démocraties, il est urgent que les pouvoirs publics européens et nationaux se mobilisent. Mais ils ne pourront y arriver seuls et les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent se mobiliser pour répondre à ces enjeux. Elles ont dans leur propre organisation les capacités d’y répondre (à leur niveau) en recrutant des personnes éloignées de l’emploi pour les former, en apportant des solutions pour permettre à ces populations de disposer des services de base à des prix « acceptables », en cherchant des entreprises sociales innovantes capables de « réinventer » nos écosystèmes en apportant des solutions à tous, y compris les plus démunis ou exclus du système dans lequel nous vivons au quotidien.

A titre d’exemple, alors que TotalEnergies a fait un geste de rabais sur les prix dans certaines de ses stations-services – mais est-ce suffisant au regard de leurs profits actuels et à venir…- , le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, a affirmé récemment que l’enseigne ne pourrait chercher à devenir une entreprise à mission car son mandat était de générer avant tout du profit pour les actionnaires. Et a ajouté que toutes les actions « de commerce responsable » n’était mise en œuvre que dans cet esprit. Sans mentionner qu’il perçoit un des salaires les plus élevés du CAC 40, avec un intéressement très élevé, lié à la rémunération des actionnaires…

En tant qu’actionnaire, nous avons le devoir de rappeler aux Conseils d’administration et aux dirigeants des entreprises les plus performantes que la société ne pourra tolérer des comportements qui ne tiennent pas compte de l’ensemble de leurs parties prenantes alors que la base même de leur écosystème risque un jour de s’effondrer ou d’être remise en cause. 

Phitrust s’attache depuis 2003 à identifier les risques ESG au sein des entreprises du CAC 40 et à en parler avec leurs dirigeants. Nous considérons que ces choix stratégiques sont bien du ressort du Conseil et doivent être pris en compte avec une vision stratégique de moyen/long terme. Autant ces entreprises ont réagi très vite depuis la COP 21 et l’Accord de Paris sur les enjeux climatiques, et sont en train de modifier profondément leur stratégie, conscientes des enjeux de leur survie à moyen terme, autant, pour la plupart d’entre elles aujourd’hui, elles n’ont pas réellement pris en compte les enjeux sociaux.

Ce sera l’un des enjeux de notre engagement dans les années à venir et, si vous aussi, vous en êtes convaincus, n’hésitez pas à nous contacter et investir, et nous donner ainsi plus de moyens pour agir !

Olivier De Guerre

Face à l’urgence environnementale et sociale, les entreprises vont devoir transformer leurs modèles d’affaires. Face à ce constat, les actionnaires de la Sicav d’engagement Phitrust Active Investors France réaffirment la centralité de la gouvernance et décident de renforcer ses critères de suivi d’impact. 

« Pas de E, pas de S sans un G solide. […] La gouvernance est un moyen, et doit le rester, tandis que les défis environnementaux et sociaux sont des objectifs. » Nous approuvons sans réserve cette affirmation, soulignée par Caroline Ruellan dans son dernier édito ESG : de l’erreur méthodologique du E, du S et du G

Analyser les entreprises sous l’angle de leur gouvernance stratégique est et reste au cœur de notre approche d’engagement : les pratiques de bonne gouvernance constituent les prérequis pour un bon fonctionnement d’une entreprise dans une perspective de création de valeur à long terme. La qualité de cette gouvernance, et les compétences de ses membres, conditionnent sa capacité à opérer efficacement la transition de l’entreprise, dans le respect des équilibres entre les diverses parties engagées. Or si la prise de conscience est bien là, la dimension climatique est encore trop peu intégrée aux actions concrètes des conseils d’administration. C’est ce que révèle le cabinet Heidrick & Struggles, dans une étude réalisée en partenariat avec Chapter Zero France et l’Insead auprès de 300 administrateurs dans le monde ( résumé de l’étude dans Challenges, décembre 2021 )

« Sans une gouvernance solide et en particulier un conseil d’administration compétent et volontaire, les enjeux environnementaux et sociaux ne pourront être embarqués et défendus efficacement et sincèrement par l’entreprise » (C. Ruellan, 2021).

Avec comme objectif de fédérer les actionnaires qui souhaitent s’engager et exercer leurs responsabilités face à ces enjeux, la Sicav Phitrust Active Investors France (PAI France) prend pour signature Agir pour 2030 et consolide ses critères de suivi d’impact environnementaux et sociaux.


Les conséquences de l’enjeu climatique sur les entreprises peuvent aller jusqu’à remettre en cause à court et moyen terme leurs activités. Alors que la pression sur les grandes entreprises est de plus en plus forte pour qu’elles modifient leur « business model » pour intégrer ces enjeux, la plupart d’entre elles ont payé en 2021 des dividendes élevés (Pay-out ratio de 80% en moyenne en 2021 pour le CAC40) …

Parallèlement, alors que tous les investisseurs institutionnels américains et européens s’engagent à demander aux entreprises d’accélérer la mise en œuvre de solutions concrètes pour réduire leur empreinte carbone et s’adapter aux changements climatiques attendus, la plupart d’entre eux attendent aussi des dividendes élevés…  Vous parliez de schizophrénie ?! 

Il est vrai que les fonds de pension et caisses de retraite doivent subir la rentabilité nulle ou négative de leurs portefeuilles obligataires, compte tenu du niveau des taux d’intérêts. Cela affecte très fortement leurs performances financières sur lesquelles sont calculées les pensions des retraités… 

Peut-on alors demander « sereinement » aux institutionnels d’accepter une baisse voire un abandon du dividende afin de permettre aux entreprises de garder un maximum de réserves pour mettre en œuvre des plans très ambitieux, seuls à même de transformer rapidement nos économies ? 

Paradoxalement lors de la crise « COVID » que nous venons de vivre, la plupart des entreprises ont limité voire supprimé leurs dividendes compte tenu de l’urgence de la situation. 

Est-ce à dire que nous ne sommes pas encore réellement conscients de l’urgence climatique et des investissements colossaux nécessaires pour adapter nos entreprises ? 

Cela semble le cas, malheureusement. Il est urgent que les investisseurs s’adaptent et demandent aux entreprises de revoir très significativement leur politique de dividendes en présentant des plans de transformation plus ambitieux qui impliqueront plus d’investissements, et ce sur 5 à 10 ans… 

Sommes-nous prêts à le faire ? Ou la performance financière à court terme reste-t-elle la priorité ?  

Attention à ce que notre attitude schizophrène ne crée pas à terme des incompréhensions car les conséquences climatiques et sociales seront alors très élevées.

Olivier de Guerre

5 novembre 2021

Dans une déclaration commune, plus de 80 professionnels de la finance, dont Phitrust, annoncent leur soutien au développement de la Finance à impact dans une déclaration commune.

A la demande d’Olivia Grégoire, Secrétaire d’Etat chargée de l’Economie Sociale, Solidaire et Responsable, Paris Europlace et Finance for Tomorrow et les signataires s’engagent ainsi à :

> Mettre en oeuvre une définition structurée et exigeante de la « Finance à Impact ». Cette dernière devra notamment intégrer les principes d’intentionnalité (en l’occurrence la recherche de performance écologique et sociale), d’additionnalité (la démonstration d’une causalité entre stratégie et contribution à la réalisation des objectifs) et de mesurabilité de l’impact (notamment dans le cadre des ODD).

> A promouvoir une démarche d’évaluation d’impact intègre et des outils de mesure et de reporting appropriés.

> A mettre en place une communication et une information transparente sur la teneur et la finalité des investissements. Cette exigence aura notamment pour but d’éviter toute forme d’impact washing et de permettre une décision éclairée dans les produits financiers « à impact ».

> A mieux intégrer la finance à impact dans les cadres réglementaires et de marché.

Cet effort est entrepris dans le but d’un renforcement massif de la contribution du secteur financier à la réalisation des objectifs internationaux de développement durable

Retrouvez le manifeste sur https://financefortomorrow.com/actualites/publication-declaration-de-soutien-au-developpement-de-la-finance-a-impact/

Les signataires


A propos de Phitrust

Depuis sa création en 2003, Phitrust investit pour agir auprès des grandes entreprises cotées pour qu’elles fassent évoluer leurs pratiques Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG) (Phitrust Active Investors) – et auprès des entreprises sociales innovantes pour leur donner les moyens financiers et humains de changer d’échelle et déployer leur impact (Phitrust Partenaires). Deux activités, une seule mission traduite dans la raison d’être de la société : Investir pour agir et contribuer à faire grandir les entreprises qui intègrent au cœur de leur stratégie le développement de l’être humain et la préservation de notre planète.

Phitrust est membre de la communauté des entreprises à mission.


Les enjeux liés au changement climatique étant de plus en plus identifiables, de très nombreux investisseurs choisissent d’exclure de leurs portefeuilles des secteurs « sensibles » : le pétrole, le gaz en premier lieu. Ce changement s’accélère sous la pression des régulateurs qui introduisent des obligations de reporting, comme les projets de taxonomie européenne, mais aussi et surtout des investisseurs finaux et des associations qui prônent « une finance verte ».

L’enjeu est fondamental : toutes les parties prenantes doivent changer leurs habitudes de consommation (pour les particuliers), de gestion opérationnelle et d’investissement (pour les entreprises). Ce mouvement crée à la fois de vraies opportunités de croissance et de développement mais aussi des questions « existentielles » pour les entreprises qui ne pourraient ou ne sauraient mettre en œuvre à « grande vitesse » des stratégies de « décarbonation » de leurs activités.

Le risque est grand de voir les investisseurs européens se désengager d’entreprises « décriées » comme « non vertueuses », voulant prouver ainsi qu’ils sont aussi « vertueux » dans ce nouvel environnement « ISR/ESG ». Ces entreprises vont sans doute alors devoir rechercher des actionnaires non européens, dont certains n’auront pas la même logique face aux enjeux stratégiques liés au changement climatique. En Afrique par exemple la demande de gazoil explose…et des actionnaires « peu scrupuleux » pourraient demander aux entreprises dans lesquelles ils auraient investi de répondre à cette demande rapidement pour « prendre le marché »…

Le risque est encore plus grand pour ces entreprises de voir les banques et des assureurs… refuser de leur octroyer des prêts, garanties, facilités ou opérations bancaires classiques, ces derniers cherchant aussi à apparaître comme « vertueux » face à ces enjeux stratégiques. Cela signifierait la mort de ces entreprises si elles ne vont pas chercher des financements ou services bancaires hors d’Europe…

Un tel scénario, impossible il y a quelques années, est de plus en plus crédible aujourd’hui alors même que l’ensemble des acteurs sensibilisés par ces sujets ne parlent qu’exclusion, y compris les labels ISR reconnus ou mis en place par les pouvoirs publics.

Phitrust depuis sa création n’a jamais exclu une société pour une raison ou une autre, mais a considéré qu’il fallait d’abord discuter avec les conseils d’administration et les équipes de direction pour les amener à prendre en compte ces nouvelles exigences. Nous avons choisi de les accompagner dans ces processus de transformation, sur-pondérant les « plus vertueux » et sous pondérant ceux qui « résistaient ».

• Nous avons ainsi challengé la direction de TotalEnergies pour prendre en compte les enjeux liés aux sables bitumineux, puis pour qu’ils inscrivent dans leurs statuts que la mission du Conseil était aussi liée aux enjeux environnementaux et sociaux,
• Nous avons poussé les entreprises du CAC 40 à adhérer à l’initiative Science Based Targets depuis 2017, et ce, pour qu’ils se fixent des objectifs de réduction de leurs émissions de carbone. Alors que très peu d’entre elles connaissaient cette initiative, la plupart des sociétés aujourd’hui y ont adhéré.

Nous ne pouvons arrêter du jour au lendemain toutes les usines ou processus polluants, mais nous pouvons pousser les entreprises à aller encore plus vite dans leur processus de transformation. C’est bien le rôle des actionnaires de se préoccuper de « l’impact » de leurs investissements. En « vendant la ligne » ils s’exonèrent de devoir justifier l’investissement… Est-ce vraiment le rôle d’un investisseur « Responsable » ?

Olivier de Guerre

Les contraintes sanitaires liées à la pandémie du COVID 19 nous amènent cette année encore à suivre des Assemblées Générales en visioconférence avec un « semblant de démocratie actionnariale ». En effet alors que la technologie existe, les banques qui sont en charge d’identifier les actionnaires n’ont pas voulu ou n’ont pas su comment faire évoluer leur chaînes de traitement informatique pour permettre aux actionnaires d’interagir en direct et de voter les résolutions proposées pendant les assemblées générales. Il faut saluer la société de gestion d’actifs AMUNDI (cotée) qui est la première à avoir mis en place un vote en direct grâce à son dépositaire CACEIS qui a su déployer les outils pour ce faire. On peut se demander pourquoi cela n’a pas été généralisé alors même que depuis l’hiver dernier il était probable que les assemblées ne pourraient se tenir physiquement. Il faut également saluer les quelques sociétés (malheureusement peu nombreuses) ayant permis aux actionnaires de poser des questions en direct « sans filtre ».

Dans la plupart des cas, des dirigeants masqués ont présenté les comptes, les perspectives et les résultats des sociétés, les votes ayant été envoyés avant les AG et les questions « filtrées » par les sociétés elles-mêmes ! Certains dirigeants, peu nombreux au demeurant, nous ont indiqué qu’ils « regrettaient » les assemblées physiques car elles permettent de « sentir » à travers les réactions de la salle les attentes des actionnaires présents. La question de la « solitude » du dirigeant face à son écran sera-t-elle la clé pour pouvoir dans le futur participer physiquement  à une assemblée?

Car d’autres dirigeants se félicitent de ces assemblées virtuelles qui leur permettent d’avoir une audience plus large avec tous les actionnaires en ligne et donc de leur parler. En privé, ils se déclarent contents que ce soit une façon d’éviter les contestations, l’écran «lissant » les réactions des internautes, quand ils s’expriment (il faut dire que la gestuelle des Assemblées physiques peut en gêner certains !). Il est aussi plus facile de maîtriser une Assemblée virtuelle…

Depuis 17 ans, nous participons à toutes les AG et nous sommes très déconcertés de manquer ces « grand messes » parfois ennuyeuses mais toujours représentatives du mode de management de la société, de la façon dont elles évoluent. Elles permettent surtout aux administrateurs présents dans la salle de rencontrer les actionnaires, seul moment où ils sont en contact avec ceux qui les ont élus.

Nous nous interrogeons sur l’avenir de la démocratie actionnariale si ces assemblées devaient devenir des « chambres d’enregistrement » plus qu’un lieu d’échanges et de débats. Certains nous diront qu’il est possible d’échanger en visioconférence. Bien sûr nous le faisons en permanence depuis un an, mais elles ne sont efficaces et constructives que si nous connaissons nos interlocuteurs. Quand nous ne les connaissons pas, « le courant passe plus difficilement »… Et quand il y a un problème ou des questions, il est évident que le lien physique est important, voire essentiel.

Les limites du virtuel sautent aux yeux quand nous constatons que l’absorption de PSA par Fiat Chrysler est actée en Assemblée Générale en 46 minutes, sans aucune question… Nous nous interrogeons quand nous découvrons par les médias, en temps réel, un dimanche soir qu’Emmanuel Faber est démis de ses fonctions alors que le Conseil siège encore …

La gouvernance d’une entreprise ne peut être uniquement virtuelle au risque que l’entreprise ne soit elle aussi que « virtuelle » c’est-à-dire sans nationalité, sans employé, sans usine… Rappelons-nous la fameuse phrase d’un dirigeant qui parlait de l’avenir « d’Alcatel sans usine » … qu’est devenu Alcatel aujourd’hui ?

Les actionnaires ont un rôle très important à jouer : celui de refuser d’être actionnaires d’entreprises qui se disent « virtuelles » ou agissent comme tel!

Olivier de Guerre

Le groupe Lafarge-Holcim présente à son Assemblée Générale le changement de nom en supprimant de sa dénomination toute référence au nom Lafarge. Nous ne pouvons que constater malheureusement que notre questionnement lors de la « fusion entre égaux » annoncée en 2014 n’était en fait qu’une prise de contrôle rampante déguisée, sans payer de prime… Cela parce que deux actionnaires présents au Conseil détenaient près de 50% des droits de vote au capital de Lafarge grâce aux droits de vote double… l’un d’entre eux, le groupe Bruxelles Lambert, souhaitant céder sa participation.

Le PDG a accepté cette fusion, non présentée au vote des actionnaires en Assemblée Générale bien que Lafarge ait une avance reconnue dans les techniques en béton (qui avait amené à garder les centres de recherche à Grenoble), que la complémentarité « mondiale » n’ait été qu’un « leurre » compte tenu de la difficulté de dupliquer des usines de ciment, et que l’intérêt à une telle fusion ne semblait pas évident . Il aura fallu les évènements en Syrie pour déstabiliser la direction générale de Lafarge. Bruno Lafont, ex-PDG de Lafarge Groupe a été relégué à un poste de Vice-Président suite à une révision des parités qui a entraîné à une prise de contrôle par Holcim, avant que celui-ci ne quitte le groupe. La triste fin d’une des entreprises les plus connues en France, qui avait réussi à s’imposer mondialement tout en ayant un « management social » reconnu par tous.

L’Assemblée Générale 2021 d’Essilor-Luxottica devrait élire un nouveau Conseil d’Administration contrôlé par les actionnaires italiens, le groupe Delfin détenant  32% du capital et 32% des droits de vote. La démission inattendue d’Hubert Sagnières de ses fonctions opérationnelles fin 2020 illustre cette prise de contrôle. Ce dernier, ex-PDG d’Essilor, et Vice PDG délégué d’EssilorLuxottica est désormais Vice-Président non exécutif du groupe. Or, depuis le rapprochement des deux groupes, il nous avait annoncé un mariage équitable avec des équipes de direction complémentaires. Cela acte malheureusement une fois encore que cette « fusion entre égaux » n’était qu’un « leurre » avec des fonctions de Président et de Directeur Général dédoublées pour « équilibrer » les parties.

Plusieurs éléments auraient pu interpeller les actionnaires d’Essilor à l’époque. Delfin (détenue par le Président de Luxottica, Leonardo Del Vecchio) est aujourd’hui le principal actionnaire du groupe, Essilor est sur un métier industriel complémentaire mais très différent de la politique de marques de Luxottica, et la société est née de la scission avec Lissac qui produisait des lunettes, scission qui a eu lieu car leurs métiers étaient très différent. De plus, le management de Luxottica très familial était aux antipodes de celui d’Essilor, très « américanisé » (Hubert Sagnières ayant effectué la majorité de sa carrière pour Essilor aux USA). Tout cela n’a pas empêché les actionnaires d’Essilor de voter cette fusion à plus de 95 % … Par un parallélisme incroyable, les évènements de fraude en Thaïlande ont permis au clan italien attaqué en justice l’année précédente par Essilor (ce qui nous avait amené à proposer la nomination d’administrateurs indépendants) de prendre le contrôle en nommant Francesco Milleri, Directeur Général. Il s’agit d’un italien proche du Président, qui est aussi le principal actionnaire et non un Dirigeant externe indépendant des parties… comme annoncé précédemment.

Combien d’années faudra-t-il pour que la société cotée française retire la marque Essilor de sa dénomination et transfère son siège social au Luxembourg ou aux Pays-Bas ? L’arrivée inattendue de la BPI ou plutôt de son fonds « Blue Lake » au capital et la nomination d’un administrateur les représentant retardera probablement cette échéance, mais pour combien de temps ? Il s’agit là aussi d’une autre entreprise française qui se développait avec agilité sans un besoin immédiat de fusionner avec un concurrent et qui a été rachetée sans payer de prime d’acquisition…

Il paraît que l’histoire ne se répète jamais… mais ces deux exemples sont symptomatiques d’un capitalisme français qui se développe sans une base forte d’actionnaires français capable de rappeler aux dirigeants que la fable de la grenouille de La Fontaine est toujours d’actualité…

Sans fonds de retraite / pension, ni actionnariat familial fort, l’histoire se répètera encore et encore. Et d’ailleurs, ne rappelle-t-elle pas une fusion toute récente entre égaux dans le monde automobile, la nouvelle société étant domiciliée aux Pays-Bas avec une gouvernance aujourd’hui « équilibrée »  et la BPI et son fonds « Blue Lake »  comme arbitre ?

Olivier de Guerre

L’Assemblée générale de PSA s’est tenue lundi 4 Janvier 2021 pour valider la fusion de PSA avec FCA ; ce dernier absorbe PSA qui apporte ses actifs à FCA, rebaptisé à cette occasion Stellantis, société domiciliée aux Pays Bas. Quarante minutes d’Assemblée générale à huit clos pour un vote déjà connu par les dirigeants de PSA, du jamais vu pour une fusion !

Il faut dire que trois actionnaires « de référence » (famille Peugeot, BPI France et Dongfeng), représentant 58 % des droits de vote grâce aux droits de vote double, avaient signé l’accord de fusion en décembre 2019, puis en septembre 2020. Compte tenu d’un quorum de 78,2 % de participants au vote, ces trois actionnaires avaient déjà plus de 70% des voix de l’Assemblée Générale Extraordinaire, un minimum de 66% étant nécessaire pour valider l’opération de fusion. Autant dire que l’opération était « bouclée » et que la plupart des actionnaires (qui ont voté favorablement à plus de 99% des voix) étaient conscients que les « jeux étaient faits »… Reste 22% des actionnaires qui ne se sont pas prononcés

Autant on peut comprendre la « rationalité » de l’opération présentée par Carlos Tavares – à savoir « la liberté de mouvement pour tous, sûre, économique et propre » qui nécessite de mobiliser plus d’investissements et de capacité financière en répartissant les risques sur un plan géographique et sur un portefeuille de 14 marques reconnues dans le monde, autant la question de la parité de fusion pose question. Les situations financières des deux groupes sont très différentes à la suite de la crise de 2020 et du coût très important nécessaire pour amener Chrysler aux USA à respecter les normes environnementales qui vont se durcir avec l’arrivée des démocrates au pouvoir. Mais ce qui nous interpelle le plus est la localisation du nouveau siège social aux Pays-Bas, où se trouve déjà celui de FCA (pour des questions de « neutralité »…). Le droit des actionnaires y est moindre qu’en France, ce qui amène de fait à une nouvelle gouvernance dans laquelle la France à terme sera moins représentée (même si la présence au Conseil de BPI France, « bras armé » du gouvernement française, peut rassurer) avec un Conseil de surveillance qui aura logiquement à cœur de représenter l’ensemble des parties prenantes comme le stipule la législation néerlandaise.

Parmi les enjeux importants qui attendent la nouvelle équipe, la question sociale sera au cœur de la fusion et de la mise en œuvre des synergies attendues (5 milliards € par an), que ce soit la généralisation du télétravail pour les salariés du siège (que faire de deux salariés pour le même poste ?) ou pour ceux dans les usines (alors que les italiennes tournent à 60% de leur capacité). FCA ayant bénéficié d’un prêt de l’Etat italien de 6 milliards € en 2020, les salariés français ne risquent-ils pas de devenir la « variable d’ajustement », PSA n’ayant rien demandé à l’Etat français ?

Il y a aussi les enjeux environnementaux, PSA étant le « plus avancé » en Europe pour faire évoluer sa production vers le « tout électrique », alors que Chrysler aux USA doit acheter des crédits carbone à Tesla pour respecter la norme US. Mais qui croira que les moteurs PSA et la technologie du constructeur français pourront facilement répondre aux enjeux de Chrysler aux USA et notamment pour JEEP qui est sa marque la plus emblématique ? Les équipes de PSA y arriveront certainement, mais quel en sera le coût et le prix ?

Plus fondamentalement cette fusion interpelle quant à la capacité des entreprises françaises à garder leur siège social en France, posant aussi la question du manque crucial d’actionnaires français de long terme…

Pour PSA comme pour Lafarge, deux ou trois actionnaires décident de l’avenir d’une société alors même qu’ils sont minoritaires, mais, grâce aux droits de vote double dont ils disposent, ils savent déjà qu’ils auront quasiment les 66% nécessaires pour voter une telle fusion. Après plusieurs années, il n’y n’aura quasiment plus de dirigeant français à la tête du groupe, alors même que l’opération aura été présentée comme « une fusion entre égaux ». La famille Agnelli est le principal actionnaire de Stellantis ; un dirigeant américain reste un « passage obligé » pour le groupe aux USA. La probabilité que les dirigeants soient français à l’avenir est donc très faible…Le nouveau directoire sera probablement international pour respecter les nouvelles géographies du groupe et du capital. L’effet « pervers » des droits de vote double existe ; ce mécanisme était né d’une bonne intention mais il peut se révéler contraire à l’esprit recherché.

Voilà comment en quelques années deux de nos plus belles sociétés n’ont plus leur siège social en France. Plusieurs entreprises du CAC40 y sont encore présentes, mais pour combien de temps encore ? Avec une direction générale « hors de France » comme Schneider Electric (où les principaux dirigeants sont domiciliés à Hong Kong pour « respecter la géographie du groupe ») ? Ou EssilorLuxottica, dont le principal actionnaire et le CEO sont désormais domiciliés au Luxembourg et en Italie à la suite d’une fusion dite entre égaux qui n’était qu’une prise de contrôle sans en payer le prix ?

Toutes ces entreprises ont en commun des dirigeants « internationaux » qui ont des rémunérations qui explosent avec la fusion et leur domiciliation dans des pays faiblement fiscalisés. La question de leur attachement à la France n’a plus de raison d’être compte tenu de l’internationalisation de leur activité. Pourtant de nombreuses entreprises américaines, européennes voir françaises ont su garder leur siège social et leur gouvernance dans leur pays d’origine, ce qui leur permet de conserver une réelle force de frappe entrepreneuriale ou industrielle en s’appuyant sur leur culture d’origine.

Cette question va devenir d’autant plus fondamentale qu’aux Etats-Unis et en Chine le nationalisme économique semble redevenir la norme. Et qu’en Europe, l’Allemagne, par sa culture d’entreprise, et les Pay-Bas grâce aux avantages fiscaux, ont bien compris cette nécessité d’attirer les sièges sociaux et leurs équipes de dirigeants.

Cela pose la question du développement d’actionnaires individuels et institutionnels (caisses de retraite, fonds de pension…) en France, qui manquent cruellement aujourd’hui (plus de 60% des actionnaires du CAC40 sont étrangers). La réforme des retraites longtemps repoussée, mais nécessaire est une occasion inespérée de mettre en place pour le secteur privé un système par capitalisation, à côté du système de répartition, comme c’est le cas en Suisse. Il existe déjà dans le secteur public avec l’ERAFP (Etablissement de Retraite Additionnelle de la Fonction Publique). Pourquoi ne pas l’étendre au secteur privé, pendant que le secteur public adopterait un système « à points » aujourd’hui en place dans le secteur privé ? Cela aurait le mérite de rapprocher ces deux systèmes en prenant « le meilleur de chacun » et de créer des fonds de pension qui investiraient principalement dans les entreprises françaises afin de développer l’emploi.

Olivier de Guerre

Pourquoi les entreprises inclusives vont devenir essentielles : après la « piqûre » des subventions, comment entreprises et investisseurs vont financer la transition du S de l’ESG ? Retrouvez l’analyse de Phitrust avec le témoignage d’Alain de Crombrugghe.

10 millions de pauvres en France selon le Secours Catholique. Au moins 840.000 emplois détruits en 2020 selon l’INSEE. 1 million de jeunes, sans emploi ni formation recensée par la DARES. Mi-novembre, l’Unedic soulignait que 20% des demandeurs d’emploi recherchent des emplois dans les métiers les plus fortement impactés. Hôtellerie, tourisme, restauration, événementiel. Des secteurs ou les offres ont baissé de 50 % ou plus. C’est particulièrement difficile pour les jeunes qui commencent à travailler… Sans parler de l’effort de financement massif pour reconvertir les chômeurs, face aux défis de la digitalisation, le COVID-19 ayant agi comme un accélérateur de la transformation digitale. La crise sociale est là avec déjà plusieurs annonces de plans sociaux qui concernent plus de 30 000 emplois, avant les probables défaillances d’entreprises qui devraient rythmer 2021. L’emploi et la lutte contre le chômage, qui préoccupaient moins les Français ces derniers temps, sont redevenus leur priorité absolue, selon un récent sondage Viavoice. La question sociale va devoir prendre toute sa place dans l’économie et la finance.

La gestion thématique a le vent en poupe auprès des investisseurs. Si on a vu fleurir les fonds à thématique environnementale, les stratégies à visée sociale – le «S» de l’ESG – restent plus limitées.  Des fonds abordent le thème de la diversité ou de l’égalité hommes/femmes, d’autres la qualité de vie au travail. Le problème reste de pouvoir se fonder sur des données concrètes et significatives, la thématique sociale relevant plutôt de la culture d’entreprise, d’où une mesure d’impact plus difficile. D’autres essaient de cibler des thématiques plus sociétales comme des fonds focalisés sur les entreprises actives dans la lutte contre le cancer ou des fonds investis en priorité dans les entreprises qui créent de l’emploi en France.

Si l’enjeu social s’accroit comme cela est probable, il impose d’aller plus loin et d’en faire un critère transversal. Pour que le « S » irrigue l’ensemble de la finance – et pas seulement des fonds ciblés- au même titre du « E », et sans les dissocier,  les investisseurs, et donc les actionnaires,  ont une capacité d’effet de levier très forte. Comme le souligne Alexis Masse, Président du FIR, dans une étude pour le think tank Terra Nova « là où plusieurs prestataires sont disponibles en matière environnementale, il n’existe pas de prestataire disposant d’une méthodologie équivalente pour éviter un partage injuste de  la  valeur,  mesurer  l’accès  à  un  salaire  décent,  la  qualité  du  dialogue  social,  la responsabilité d’une entreprise sur sa chaîne de sous-traitance, l’accompagnement de la main-d’œuvre dans les transitions, comme il n’existe pas de label assurant la qualité sociale des fonds, qui pourrait ensuite irriguer les politiques d’entreprises financières tout entières. »

En attendant un tel label, comment pousser le volet social des investissements ?

Par le biais d’une stratégie d’engagement actionnarial active, constructive et de long terme pour challenger l’ensemble des entreprises sur ce sujet. Comme Phitrust l’a fait lors des AG 2020 en appelant les entreprises du CAC 40 susceptibles de verser des dividendes d’en consacrer une partie à la création de fonds de dotation pour soutenir leur écosystème fragilisé par la crise. Plusieurs l’ont fait comme Essilor pour soutenir leurs salariés et leurs familles vivant dans des pays sans filets sociaux. D’autres ont abondé les dotations de leurs fondations ou fait des versements à des fondations d’intérêt général. Peu sont allés jusqu’à la création de tels fonds d’investissement d’impact comme Danone l’a fait avec le fonds Danone Ecosystem juste après la crise de 2008, ou encore Schneider avec le fonds Schneider Energy Access comprenant qu’on ne peut prospérer dans une société fracturée.

Plusieurs dirigeants d’entreprises ont co-signé en juin dernier une tribune dans le Figaro pour appeler à un plan de relance et de soutien pour les entreprises qui embauchent des salariés en situation de fragilité ou de handicap. Prouvant ainsi le rôle qu’ont à jouer les entreprises. Aux actionnaires également de jouer le leur en les soutenant…. Quitte à challenger les résultats et les modalités de partage de la valeur par des actions d’engagement.

La finance solidaire est aussi un moyen de faire grandir des projets à forte utilité sociale, comme le fait Phitrust avec les fonds Phitrust Partenaires et Phitrust Partenaires Europe (labellisés EuSEF). De tels fonds sont aussi accessibles via la poche de 10 % des fonds d’épargne salariale dédiée à des projets qui privilégient l’impact social sur la rentabilité, les 90 % restants privilégiant la rentabilité sur l’impact social, sans l’exclure. Là encore, les investisseurs doivent savoir quels impacts ils cherchent à obtenir. Et avec quelle profondeur. Financer et accompagner des entreprises de formation et de réinsertion comme Simplon – qui forme aux métiers du code des personnes éloignées de l’emploi, des salariés proches de la déqualification, des jeunes décrocheurs scolaires, ou des entreprises d’insertion par l’activité économique comme La Varappe, Ecodair ou Main Forte, implique des durées d’investissement longues, un accompagnement stratégique et opérationnel, des attentes de TRI plus proches de 5% que de 10% comme pour un fonds de private equity « classique ». Cela passe aussi par la revalorisation de métiers peu ou pas assez reconnus comme Alenvi le réalise en réinventant les conditions d’emplois et de formation des auxiliaires de vie dont la société française aura de plus en plus besoin dans les années à venir. De nombreux entrepreneurs sociaux apportent des solutions innovantes à ces enjeux d’accès à l’emploi, revalorisation, reconversion, formation. L’augmentation de leurs impacts passe aussi par des partenariats avec les entreprises classiques, comme le fait La Varappe avec le Groupe Vinci ou La laiterie du Berger avec Danone.

Phitrust qui depuis sa création a fait de l’inclusion son fil rouge d’investissement souhaite lancer un troisième fonds à vocation européenne  pour répondre à ces enjeux croissants. Et favoriser encore toujours plus les passerelles entre les entreprises qu’elles questionnent chaque année via son pôle d’engagement actionnarial et ces entrepreneurs sociaux, forces de transformation de notre société.

Retrouvez l’interview d’Adrien de Crombrugghe « L’inclusion est au coeur de mes préoccupations d’investisseur » ici

Le 26 juin les media ont rapporté que les actionnaires de PSA – Peugeot – Citroën avaient approuvé la fusion avec FCA – Chrysler – Fiat lors de l’Assemblée Générale virtuelle du 25 Juin 2020. Ce « raccourci » est faux car il n’était pas proposé aux actionnaires de voter sur la fusion !

Trois actionnaires importants de PSA (Famille Peugeot, Banque Publique d’Investissement et Dongfeng) ont signé un protocole d’accord en décembre dernier sur la fusion qui doit être présentée aux actionnaires fin 2021 si les différentes étapes préparatoires sont finalisées (et notamment la question de risque concurrentiel en Europe sur certains segments de marché).

Comme ils sont tous les trois représentés au Conseil d’administration, il fallait en avertir les actionnaires et leur demander de valider la convention signée entre ces actionnaires.

Les taux d’approbation ont été très élevés, comme pour quasiment toutes les résolutions dans les sociétés cotées aujourd’hui. On peut penser qu’en cette période de crise, les investisseurs n’ont pas voulu compromettre la bonne marche des entreprises.

Cela veut-il dire que les actionnaires acceptent la fusion ? Non ! Le faire croire revient à distiller l’idée que TOUS les actionnaires l’approuvent alors même qu’ils n’en connaissent pas tous les termes ni les détails. En outre, l’évolution récente des deux sociétés à la suite de la crise COVID (notamment le besoin de cash…) montre clairement que les termes de la fusion n’étaient pas et ne sont plus aujourd’hui acceptables en l’état et devraient être révisés. En outre, on ne peut pas ne pas s’interroger sur la pertinence d’une fusion décidée avant la crise du COVID alors même que le marché de demain sera très différent de celui « du monde avant COVID ». A cet égard, il a été d’ores et déjà annoncé officiellement que le groupe fusionné devra fermer des usines en Europe car le « groupe » est déjà en surcapacité de production !

Et que penser de la décision du groupe PSA de mettre un tiers de ses salariés, soit 40 000 personnes, en télétravail et de fermer le siège social à Rueil Malmaison ? Qui pourra croire après une telle annonce qu’elle ne prépare pas l’après fusion, la direction générale étant « délocalisée » c’est-à-dire plus résidente en France… ? Et le télétravail ne sera-t-il pas un moyen de licencier « plus facilement » après la fusion ?

A l’heure où l’inquiétude grandit (avec juste raison) face au risque d’un chômage massif dans les années à venir, le « mécano » industriel d’une fusion est-il toujours un scénario acceptable pour la société et « raisonnable » pour les actionnaires et salariés du groupe ? Comment justifier que la « seule » voie possible est la fusion pour devenir l’un des plus gros mondiaux pour exister encore dans quelques années ? Et ce alors même que la stratégie de PSA a montré qu’il était possible d’exister en étant segmenté et « petit » ?

La stratégie proposée par Carlos Tavarez est similaire à celle proposée par Carlos Goshn chez Renault, à savoir la course aux volumes…. Mais est-ce toujours une stratégie d’actualité ? Ce sera aux actionnaires d’en décider à la fin de l’année probablement. Espérons qu’ils prendront le temps d’examiner toutes les implications financières et sociales de cette opération « entre égaux ». Mais avec un actionnaire à 14% qui a imposé que le siège social du groupe fusionné soit à Amsterdam. Vous avez parlé d’actionnaires responsables ?

Olivier de Guerre

Vous, nous, l’économie de notre monde seront ébranlés par la crise que nous traversons. Nous allons devoir revoir la manière dont nous mobilisons les capitaux nécessaires pour aider notre société à se rétablir. Et faire face aux futurs risques climatiques, sanitaires et sociaux. Quel rôle les actionnaires peuvent-ils jouer ? Une question d’autant plus cruciale qu’une opportunité unique est à saisir : celle de renforcer le rôle des actionnaires engagés dans la transformation du modèle d’affaires des entreprises. Il est urgent de bâtir un pôle français et européen d’engagement.

A l’occasion de la parution de notre étude sur 15 ans d’engagement actionnarial (disponible ici), nous avions organisé une conférence pour débattre de la responsabilité des actionnaires. De nombreuses personnalités avaient répondu présent . Ce débat n’a pu avoir lieu, en raison du confinement. Des entretiens préparatoires, réalisés avec des journalistes de l’Agéfi, des questions éclairantes au regard de la période que nous vivons sont apparues :

> Trop longtemps les entreprises ont été gérées selon des méthodes privilégiant la rentabilité (flux tendus et délocalisation) qui les exposent aujourd’hui à des risques forts. Les modèles de gestion doivent être revus au regard du couple rentabilité / risque. Comment donner une valeur aux risques ? 

> Les actionnaires ont des droits et des devoirs, mais tout dépend de la durée de leur investissement : ceux qui sont des interlocuteurs pertinents sont ceux qui investissent à long terme. Tout actionnaire doit être traité équitablement, et défendu pour autant qu’il joue son rôle d’actionnaire.

> Les investisseurs de long terme sont plus ouverts à des sujets d’investissement pour financer la transition des entreprises. De là à admettre une baisse forte de dividendes pour réaliser cet investissement, il faut que les entreprises expliquent bien en amont leur stratégie, dans une optique pluri-annuelle. Ce n’est qu’ainsi qu’on sortira de la schizophrénie entre le retour financier attendu par les actionnaires et la nécessité pour les entreprises d’investir pour améliorer leurs impacts environnementaux et sociaux.

> Les actionnaires ont les moyens d’agir. On doit avoir le droit de critiquer la stratégie d’une entreprise. Mais seul un petit nombre d’actionnaires engagés agissent concrètement pour porter les sujets ESG. Beaucoup adhèrent à des coalitions mais peu exercent leur droit de vote et de dépôt de résolution. D’où l’importance des actionnaires de long terme engagés

Nous devons développer maintenant une expertise française et européenne d’engagement pour porter ces sujets! L’approche européenne de gestion des entreprises responsables implique une gouvernance qui entraîne l’adhésion des parties prenantes. Elle est un enjeu fondamental de souveraineté pour la France et ses partenaires européens, qui ont une occasion unique d’affirmer ce modèle. La garantie de pouvoir mener une approche européenne de l’engagement passe par des investisseurs «engagés» sur les questions de gouvernance. Ils ne peuvent l’être qu’avec des acteurs et des agences de conseil de vote indépendants compte tenu de l’existence naturelle de potentiels conflits d’intérêts entre compagnies d’assurances, banques et leurs filiales gestionnaires d’actifs. Il apparaît urgent de développer une expertise française et européenne d’engagement.

Téléchargez l’étude « 15 ans d’actionariat responsable »

Lisez la Tribune « Les investisseurs doivent s’adapter à des rendements plus faibles »

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