18 novembre 2024

VIVENDI
INTERROGER LE PROJET DE SCISSION

Canal+ restera une société de droit français, mais cotée sur le LSE.

Havas deviendra une société néerlandaise.

Louis Hachette Groupe, société de droit français, dont la capitalisation initiale est estimée à 2 Md€, sera cotée sur le marché Euronext Growth 

Assemblée Générale Mixte du 9 décembre 2024

Communiqué de presse – 18 novembre 2024

Vivendi soumettra au vote de ses actionnaires à l’Assemblée Générale mixte le 9 décembre prochain un projet de scission dont les grandes lignes sont les suivantes :

  • la cotation de Canal+ sur le London Stock Exchange (avec maintien du siège social à Paris) ;
  • la cotation et le transfert du siège social de Havas à Amsterdam :  
  • la création d’une société Louis Hachette Group – regroupement des activités de Lagardère et de Prisma Media – cotée à Paris sur le marché Euronext Growth.

Ces trois opérations se traduiront par des distributions ou attributions d’actions (1/1) aux actionnaires de Vivendi.

Si l’opération est votée (2/3 des votes sont requis pour Canal+ et Louis Hachette et 50% pour Havas), Vivendi serait recentré sur ses participations majoritaires (Gameloft), ou minoritaires (UMG, Telecom Italia, Telefonica, …). Le groupe Bolloré détient actuellement 29,9% du capital de Vivendi (avec des droits de vote double non exercés) ne dépassant pas le seuil des 30% qui déclencherait une offre publique ; après scission, il détiendrait, en plus de sa participation inchangée au capital de Vivendi, 31,04% des trois nouvelles sociétés cotées.

Comment interpréter l’objectif de cette scission ? 

  • Canal+ restera une société de droit français, mais cotée sur le LSE. La société ne se trouvera ni soumise au seuil règlementaire de 30% pour le déclenchement d’une offre publique obligatoire, ni à la règlementation britannique, le Takeover Code ne s’appliquant pas aux sociétés constituées en dehors du Royaume-Uni[1]. Cela aurait pour conséquence de permettre à tout actionnaire de renforcer sa participation sans craindre de devoir lancer une offre publique. 

Par ailleurs, l’article 40 de la loi française du 30 septembre 1986 limitant la détention de 20% du capital d’une société de télévision française par des personnes étrangères extra-communautaires continuera de s’appliquer. En 2015, pour affaiblir la position des actionnaires opposés, avec Phitrust, à la prise de contrôle sans OPA de Vivendi par Bolloré, la menace d’appliquer cette disposition légale avait été utilisée sans fondements par Vivendi (les détenteurs extra-communautaires de plus de 20% du capital se rendaient passibles d’une assignation avec demande d’indemnisation de 5 Md€ à 9 Md€); elle fait aujourd’hui l’objet d’une interprétation plus souple par Vivendi [2]. Cette législation – et le flou juridique qui entoure son application – vient ainsi atténuer fortement l’argument développé par les dirigeants de Vivendi qui est de développer, grâce à la cotation à Londres, une base actionnariale internationale.

  • Havas deviendra une société néerlandaise. Havas N.V. détiendra Havas S.A.S. dont une stichting (fondation) empêchera toute prise de contrôle hostile ; des actions de préférence avec droits de vote supplémentaires (1 pour 2 et 1 pour 4) pourront être accordées. Ce montage permet le contrôle d’Havas par le groupe Bolloré tout en rendant inopérante toute offre publique sur le capital.
  • Louis Hachette Groupe, société de droit français, dont la capitalisation initiale est estimée à 2 Md€, sera cotée sur le marché Euronext Growth ; ce marché comporte des règles assouplies concernant notamment le seuil de lancement d’une offre publique fixé à 50% et certains actionnaires ne pourront pas y accéder car c’est un marché non réglementé.

Si le but de la scission est purement industriel (gains de parts de marchés, synergies), peut se poser la question de la capitalisation boursière (liquidité) sur des places financières non appropriées et de la capacité de développement trop réduite de chacune des entités, pénalisant de fait leurs actionnaires.   

Si l’objectif est une meilleure valorisation (tant des trois sociétés cotées que de Vivendi qui devrait perdre ainsi sa décote de conglomérat), il est possible qu’une décote s’applique à Canal+ (perte d’ « opéabilité », taille de la capitalisation, faible liquidité, décote de gouvernance) et à Havas N.V. (avec en plus une décote de fondation et de gouvernance liée aux particularités du marché néerlandais).  

Concernant Vivendi, nous estimons que le risque boursier serait de passer d’une valorisation comportant une décote de conglomérat à une décote de holding, la société Vivendi ne gardant plus que des participations minoritaires (hormis Gameloft) ; les problèmes de la gouvernance actuelle resteront entiers.

Cette proposition de scission permettra au groupe Bolloré actionnaire minoritaire de référence contrôlant Vivendi, de renforcer son contrôle sur les trois nouvelles entités cotées sans avoir à verser une prime de contrôle aux autres actionnaires minoritaires[3] et en contournant l’application des règles de protection de l’AMF (offre publique obligatoire sur le solde du capital lors du franchissement du seuil de 30% du capital ou des droits de vote).

En théorie, un spin-off est destiné à créer de la valeur ; encore faut-il pouvoir la créer.  Or l’opération proposée aux actionnaires n’apporte aucune certitude quant à la valorisation du futur ensemble.

Enfin, elle ne respecte pas l’équité entre les actionnaires en garantissant le contrôle sur chaque entité par le groupe Bolloré, qui sera ensuite libre de faire évoluer sa détention dans les sociétés qu’il contrôle sans que cela ne bénéficie aux autres intérêts minoritaires.  

Pour toutes ces raisons, nous appelons à voter CONTRE l’ensemble des résolutions présentées à l’Assemblée Générale Mixte de Vivendi du 9 décembre 2024.


[1] Takeover Panel Public Consultation Paper (PCP 2018/2) : 5 November 2018- 1.8 (a)

[2]  https://www.vivendi.com/communique/201-04-02-vivendi-communique/

https://www.vivendi.com/communique/vivendi-compatibilite-du-projet-de-cotation-de-canal-sur-la-bourse-de-londres-avec-la-legislation-francaise-sur-la-liberte-de-communication

[3] cf. AGM VIVENDI du 17 avril 2015 – Résolution A ; votée à 50,1% : Phitrust demandait le maintien du droit de vote simple pour éviter la prise de contrôle sans offre publique. La prise de contrôle de fait de Vivendi par Bolloré a été actée ultérieurement par l’Union Européenne (Règlement (eu) n° 139/2004 sur les concentrations – Cas M.8392 – BOLLORÉ / VIVENDI)

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