18 décembre 2024

EDITO
Stellantis et Vivendi ont-ils profité des « œillères » du marché boursier ?

Il est frappant de constater qu’une gouvernance laissant à désirer, pour ne pas en dire plus, augure de fortes difficultés à venir. Les analystes et gérants, sauf exception, y font finalement peu attention et se laissent très fortement influencer par les promesses de dirigeants qui n’engagent qu’eux-mêmes et qui ne visent que la hausse à court terme du cours de bourse.

Les marchés boursiers adorent « les belles histoires » et s’enflamment dès qu’un dirigeant charismatique promet des merveilles pour demain, permettant d’espérer une forte hausse du cours de bourse.

Ainsi en a-t-il été de Carlos Tavares, Directeur-Général de Stellantis, quand il a réussi à convaincre les familles Agnelli et Peugeot ainsi que tous leurs actionnaires du bien-fondé de d’unir les forces de  ces deux entreprises familiales pour répondre aux enjeux du marché automobile, et plus spécifiquement à sa mutation vers l’électrique afin de se protéger des constructeurs chinois, alors que le groupe Fiat-Chrysler avait un retard important pour répondre aux exigences environnementales de Bruxelles, et que les usines des deux groupes en Europe étaient en sous capacité de production.

Le début de l’histoire est un vrai conte de fées. Probablement à cause de la crise COVID qui a obligé les constructeurs à limiter leur production en privilégiant les modèles à forte marge et à mettre tous les cols blancs en télétravail mixant très rapidement les équipes dans le monde entier, accélérant ainsi le changement de culture. La rémunération initialement accordée à Carlos Tavares a bénéficié de ces résultats inattendus avec un package annuel pouvant atteindre 66 M€, le Conseil d’administration acceptant une gestion très tendue des équipes de management et des départs de responsables opérationnels, entraînant un « mal-être » salariés et des parties prenantes.

La suite est malheureusement connue avec la révocation inattendue de Carlos Tavares et la chute du cours de bourse en dessous de son cours d’introduction… La course en avant (à l’image de celle menée il y a 10 ans par Carlos Ghosn chez Renault-Nissan…) a créé une culture de défiance dans tout le groupe ; la situation des marchés automobiles mondiaux ajoute un sujet de préoccupation pour les dirigeants de Stellantis qui vont avoir du mal à retrouver des marges de manœuvre… Des fermetures de site de production en Europe et aux Etats-Unis sont inévitables et les investisseurs sont devenus inquiets quant au futur du groupe… Quel retournement !

De la même façon les marchés ont accueilli très favorablement fin 2023 l’annonce de la scission du groupe Vivendi en quatre entités cotées sur différentes places (Paris pour Vivendi et Louis Hachette Group, Londres pour Canal +, Amsterdam pour Havas), cotations dont le but était de permettre de révéler la véritable valeur de ces actifs, Vivendi étant décotée compte tenu de son statut de conglomérat. Le cours de bourse de Vivendi avait effectivement bondi lors de la cotation d’UMG à Amsterdam en septembre 2021, permettant de croire à ce scénario.

Le groupe Bolloré a racheté Havas en 2017 en cash pour 3,8 milliards € alors que la société a été valorisée à 3,4 milliards € pour son introduction en bourse à Amsterdam en 2024, le titre Vivendi risque de baisser très fortement après la scission la société ne devenant qu’une holding financière, la liquidité sera significativement réduite tant pour Havas à Amsterdam – avec la création d’une Fondation pour empêcher toute OPA – que pour Louis Hachette Group sur Euronext Growth (marché non réglementé), et enfin cette opération permettra au groupe Bolloré de monter au capital des nouvelles entités cotées sans avoir à déclencher une OPA… Ces arguments n’ont pas été pris en compte par les actionnaires qui ont voté le 9 décembre à 70% pour la scission (97% des 72% présents ou représentés), le groupe Bolloré détenant un peu moins de 30% du capital. Au-delà de la baisse du cours de Vivendi avant les nouvelles cotations, et la volatilité des premiers jours sur les quatre nouvelles entités sur leurs différents marchés, l’avenir montrera certainement la destruction de valeur induite par cette opération.

Il n’est pas bon d’être Cassandre… mais, dans les deux cas, il est frappant de constater qu’une gouvernance laissant à désirer, pour ne pas en dire plus, augure de fortes difficultés à venir. Les analystes et gérants, sauf exception, y font finalement peu attention et se laissent très fortement influencer par les promesses de dirigeants qui n’engagent qu’eux-mêmes et qui ne visent que la hausse à court terme du cours de bourse. La suite, nous la connaissons…

Olivier de Guerre

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