Le choix du Royaume-Uni et des Pays-Bas n’est pas anodin en ce sens en exploitant, dans le premier cas un vide juridique et dans le second cas un régime dérogatoire, et en activant les dispositifs de droits de vote multiples prévus par ces deux places, un actionnaire de référence peut prendre le contrôle en contournant la loi française sur le déclenchement d’une OPA.
Vivendi a convoqué une Assemblée Générale le 9 décembre prochain pour permettre la cotation de Canal Plus à Londres et d’Havas aux Pays-Bas et Louis Hachette Group en tant qu’entités juridiquement indépendantes de Vivendi, dans le but de mieux valoriser ces actifs qui subiraient aujourd’hui une décote au sein de Vivendi. L’opération est ainsi présentée comme une opération favorable à tous les actionnaires car la somme des cours des actifs scindés devrait à terme excéder la valorisation actuelle de Vivendi.
Lorsque Vincent Bolloré avait proposé la mise en place de droits de vote double chez Vivendi en 2015 il avait justifié cela par la nécessité de contrôler Vivendi comme le font la plupart de ses concurrents aux USA, sans devoir déclencher une OPA. Alors même que l’instauration des droits de vote double était généralisée par le législateur français par la loi Florange pour s’assurer que les entreprises cotées françaises restent contrôlées par des actionnaires français, l’AMF a rappelé à plusieurs reprises depuis que les seuils de déclenchement d’une OPA (30% de détention du capital ou des droits de vote sur Euronext Paris) n’avaient pas changé et qu’ils s’appliquaient toujours, empêchant de fait qu’un actionnaire minoritaire ne soit de facto majoritaire sans avoir à déclencher une OPA.
Le choix du Royaume-Uni et des Pays-Bas n’est pas anodin en ce sens en exploitant, dans le premier cas un vide juridique et dans le second cas un régime dérogatoire, et en activant les dispositifs de droits de vote multiples prévus par ces deux places, un actionnaire de référence peut prendre le contrôle en contournant la loi française sur le déclenchement d’une OPA. Mais il n’est pas anodin non plus sur un point bien particulier : le régime des conventions règlementées, la France exigeant la transparence entre toute convention liant un actionnaire avec la société cotée pour que les actionnaires puissent voter pour ou contre cette convention. L’Angleterre et les Pays-Bas ont une pratique beaucoup plus souple et moins stricte, ce qui permet facilement des facturations mère-fille-petite fille…sans que les actionnaires ne le voient, permettant ainsi à l’actionnaire contrôlant une société de prélever sa dîme sans le dire…
Sans parler de la probable décote que subiraient Canal Plus et Havas sur des places boursières inadéquates, en ce qui concerne le groupe Vivendi post-scission, l’expérience nous montre que les holdings de sociétés cotées subissent elles aussi une décote ; l’argument de la promesse de création de valeur n’est donc pas suffisant pour opérer cette scission, à moins que l’actionnaire le plus important le Groupe Bolloré, non majoritaire n’envisage dans un second temps de proposer une fusion entre le groupe Bolloré et Vivendi… Scénario non évoqué aujourd’hui mais qui prendrait tout son sens car il permettrait dans un premier temps de supprimer la décote subie elle aussi par le groupe Bolloré, tout en créant 4 entités distinctes sous le groupe Bolloré. Vincent Bolloré ayant 4 enfants… Cela augure t il d’une préparation de sa succession alors qu’il est officiellement à la retraite ?
Tous ces éléments montrent bien que ce processus de scission de Vivendi en allant coter à Londres ou au Pays-Bas certaines de ses activités est une opération patrimoniale pour la famille Bolloré :
- ▶ qui remet en cause la logique même du groupe multimédias que Vincent Bolloré a voulu constituer en vendant (cash) Havas à Vivendi alors qu’il était un actionnaire important mais minoritaire,
- ▶ qui interpelle quant à la volonté de coter hors de France deux sociétés historiquement françaises,
- ▶ et qui n’apportera rien de plus aux actionnaires qui ont accepté la prise de contrôle de Bolloré sans qu’il ne déclenche d’OPA.
Les actionnaires doivent VOTER CONTRE les résolutions présentées à l’Assemblée Générale Mixte du 9 décembre prochain pour que Vivendi reste une entité française et s’interroger sur la gouvernance d’un groupe piloté par un actionnaire de référence minoritaire qui agit comme un majoritaire.
Olivier de Guerre