Si la contre-performance du titre en bourse est en partie imputable à la crise que traversent actuellement les constructeurs – faible demande, concurrence accrue des nouveaux entrants chinois, accroissement des normes environnementales – ses effets ont largement été amplifiés par les problèmes de gouvernance de Stellantis.
La rémunération de Carlos Tavares illustrait bien les risques que cette gouvernance « omnipotente »
Stellantis a annoncé le 1er décembre dernier la démission de son directeur général Carlos Tavares, remplacé en intérim par le président du conseil d’administration, John Elkann. Cette reconfiguration de sa gouvernance intervient dans un contexte particulièrement troublé pour la société : chute du cours de bourse de 37% depuis le début de l’année, publication d’un profit warning abrupt le 30 septembre dernier, annonce de larges plans sociaux en Amérique du Nord et de report de projets en Europe… le tout sur fond de crise généralisée du secteur automobile.
Pourtant, au premier trimestre 2024, le cours du titre Stellantis culminait autour de 26€, porté par trois années de niveaux de marge opérationnelle inédits (oscillant entre 12% et 13%) pour l’industrie automobile. Ces marges – en grande partie gonflées par un très fort pricing power de Stellantis – n’avaient toutefois rien de soutenable : la politique de cost cutting agressive menée par Carlos Tavares a conduit à rogner entre autres sur les dépenses commerciales, ce qui s’est traduit par de lourdes pertes de parts de marché sur les deux principales géographies de l’entreprise, l’Europe et l’Amérique du Nord.
Si la contre-performance du titre en bourse est en partie imputable à la crise que traversent actuellement les constructeurs – faible demande, concurrence accrue des nouveaux entrants chinois, accroissement des normes environnementales – ses effets ont largement été amplifiés par les problèmes de gouvernance de Stellantis. Ces derniers avaient été pointés par Phitrust dès l’annonce de la fusion entre PSA[1] et FCA[2] en 2020, parmi les plus significatifs on peut citer : l’absence de représentation obligatoire des salariés aux conseils, l’inégalité des droits de vote, un seuil plus élevé pour déposer des résolutions (3%), un vote sur la rémunération du DG seulement consultatif ou encore un contrôle de fait du capital par trois actionnaires de référence (la famille Agnelli, la famille Peugeot et la BPI détenant conjointement environ 45% des droits de votes)…
La rémunération de Carlos Tavares illustrait bien les risques que cette gouvernance « omnipotente » impliquait, avec un package global (numéraire et actions gratuites) atteignant jusqu’à 66 millions d’euros au titre de l’exercice 2021. Une majorité d’actionnaires (52%) avaient d’ailleurs voté contre cette rémunération lors de l’AG 2022 suite à la campagne publique menée par Phitrust, ouvrant le débat tant sur la taille globale de cette rémunération que sur sa structure. En effet, en 2021 et 2022, le bonus annuel représentait plus de 300% du fixe et son attribution était largement liée au niveau de marge et à la génération de cash, ce qui a sans doute joué un rôle dans la vision finalement assez court-termiste du directeur général, qui a excessivement joué la carte du pricing power et a mis en péril ses marques sur leurs principaux marchés à moyen-terme.
On peut aussi évoquer le style de management de Tavares, connu pour fixer des objectifs très exigeants et exercer une forte pression sur ses équipes, au risque de se couper de ces-dernières et des « feux d’alertes » qu’elles auraient pu lui remonter à temps, et qui auraient sans doute limité la débâcle commerciale qu’a connu Stellantis en Amérique du Nord.
Le marché n’ignorait pas ces divers problèmes de gouvernance, mais tant que le niveau de marge et la croissance du CA tenaient trimestre après trimestre, le cours de bourse tenait lui aussi et les analystes restaient « à l’achat ». Phitrust, en revanche, en se basant sur son appréciation défavorable de la gouvernance et sur la faible écoute reçue de la part du conseil d’administration, a maintenu une forte sous-pondération du titre Stellantis dans son fonds d’engagement actionnarial. Cela a fortement contribué à la performance relative du fonds par rapport au CAC40 dans la baisse du cours de bourse de la société.
![](https://phitrust.com/wp-content/uploads/2024/12/stellantis-1024x576.jpg)
[1] Peugeot Société Anonyme
[2] Fiat Chrysler Automobiles