Cette gouvernance et ces choix opérationnels axés sur le volume et la rentabilité associée rappellent malheureusement l’aventure Renault avec Carlos Ghosn, à laquelle Carlos Tavares a participé, étant au Comité exécutif de Renault avant de prendre la direction opérationnelle de PSA.
Phitrust avait voté contre le rapprochement entre Fiat Chrysler Automobile (FCA) –et le groupe PSA, considérant que la taille ne pouvait être un objectif suffisant pour réussir une fusion et que le « bien portant », s’alliait avec un « canard boiteux », mal en point sur un plan commercial et technique devant passer très rapidement à l’hybride et l’électrique.
Le marché financier avait contredit notre analyse au vu de la spectaculaire hausse du cours, Stellantis profitant de deux facteurs imprévisibles : le COVID qui, en imposant le télétravail pour les « cols blancs », a facilité le rapprochement des équipes de PSA (Peugeot, Citroën, Opel) avec celles de Fiat et de Chrysler aux Etats-Unis, et la hausse des marges liée à la vente des modèles haut de gamme compensant la difficulté d’approvisionnement des composants. La bourse a ainsi pris acte des très bons résultats de Stellantis avec une marge opérationnelle inattendue, la plus élevée du secteur automobile pendant quelques mois !
L’Etat a des missions régaliennes à redéployer : les systèmes de santé pour tous, une éducation et une formation de qualité, une présence et la sécurité dans les quartiers périphériques et les campagnes. Il a su réformer l’apprentissage et la formation par l’insertion pour répondre aux besoins des entreprises. Mais face au mur de la dette, il ne pourra contribuer significativement au rétablissement d’un outil industriel ou d’activités de services performantes pour le futur ou aider à la création d’entreprises de toutes tailles dans les zones « délaissées ».
Nous avons cependant maintenu notre opinion en sous-pondérant dans nos portefeuilles Stellantis compte tenu de la rémunération insensée de Carlos Tavares en 2022 (proposée au vote en AG 2023 et finalement refusée par les actionnaires), de la pression managériale mise sur les collaborateurs, et de choix opérationnels risqués : grand nombre de marques (trop ?), usines quasiment neuves sous employées en Italie (allaient-ils les fermer ?), refus du tout électrique devenu dans un second temps la seule « voie de sortie »…. Nous pourrions naturellement aussi évoquer que le marché automobile n’est pas « de la Tech », que les constructeurs sont trop nombreux au vu de la consommation actuelle et que les constructeurs chinois ont depuis de nombreuses années une ambition mondiale profitant de coûts inférieurs notamment grâce à des usines modernes très robotisées (comme Tesla…).
Une opinion négative motivée également par une gouvernance critiquable : un Président de la société (Agnelli) avec une rémunération aussi excessive que celle du DG ; un Conseil d’administration qui ne respecte pas en 2023 le refus des actionnaires de la rémunération du DG ; un Président du Conseil d’administration également administrateur référent (Henri de Castries) et, pour finir cette longue liste, des droits de vote octroyés lors de la fusion aux holding des familles fondatrices Peugeot et Agnelli ainsi qu’à la BPI et des droits de vote doubles dont chaque actionnaire peut bénéficier après une détention de deux ans seulement si le Conseil le valide – cette non automaticité permettant de fait le contrôle de la Stellantis par les deux familles fondatrices et la BPI (Etat français)…
Cette gouvernance et ces choix opérationnels axés sur le volume et la rentabilité associée rappellent malheureusement l’aventure Renault avec Carlos Ghosn, à laquelle Carlos Tavares a participé, étant au Comité exécutif de Renault avant de prendre la direction opérationnelle de PSA.
Comme pour Renault, le dirigeant a pu opérer sans réel contre-pouvoir avec le soutien du Conseil d’administration qui ne voyait pas d’autre issue que celle proposée par le premier dirigeant exécutif. Dans les deux entreprises, la crainte du dirigeant a sans doute freiné toute velléité des collaborateurs de critiquer des décisions qui ne leur paraissaient pas opportunes et empêché le Conseil d’administration d’avoir un contact direct avec ceux qui n’étaient pas d’accord avec la stratégie… Les dirigeants sont responsables de cette situation mais le Conseil lui aussi de ne pas avoir saisi les implications de telle ou telle décision opérationnelle…
Malheureusement « les cas » Stellantis et Renault montrent s’il en était besoin qu’une bonne gouvernance est nécessaire pour affronter les défis d’une fusion, d’une croissance raisonnée avec des équipes locales ou mondiales. En oubliant ce principe de base, les investisseurs se mettent en risque sur le moyen et long terme. Nous essayons depuis 2003 d’appuyer nos décisions d’investissement sur ce principe fondateur et en expliquons les raisons à nos investisseurs. Pourquoi pas vous ?
Olivier de Guerre