19 janvier 2024

2024, année où la démocratie actionnariale est bien fragile

Les administrateurs sont le plus souvent cooptés par le Conseil d’administration et son Président.

Espérons qu’en 2024 la démocratie actionnariale se renforcera pour le bien de toutes les parties prenantes. Très belle et bonne année 2024 !

Alors que nos démocraties politiques sont remises en question par des attaques répétées, qu’elles soient frontales ou instrumentalisées notamment par le déferlement de “fake news” sur les réseaux sociaux, la démocratie dite “actionnariale” est elle aussi remise en cause directement ou indirectement.

Directement par l’utilisation de multiples procédés pour éviter que les actionnaires qui pourraient remettre en cause la stratégie validée par le Conseil d’administration soient en mesure d’intervenir en Assemblée générale sur des questions “qui ne relèveraient pas de son ressort”. Ainsi en est-il par l’instauration de droits de vote double (loi Florange pour « protéger » les entreprises françaises) ou des droits de vote multiples (dont raffolent les GAFA…) ou des actions sans droit de vote (comme de nombreuses sociétés allemandes le pratiquent). Et plus récemment par le refus de dirigeants de discuter avec les actionnaires de la stratégie climatique, ces derniers ne pouvant déposer de résolutions ou même voter sur la stratégie mise en œuvre. Car les actionnaires n’ont pas de droit de regard sur la stratégie de l’entreprise sauf à écouter avec déférence un rapport sur ce sujet ou à sanctionner par un vote négatif le renouvellement d’un administrateur ou une résolution présentée par le Conseil d’administration.

C’est notamment le cas de Veolia qui par la voix de son Président en Assemblée générale, indique que seul le conseil d’administration peut valider la raison d’être de l’entreprise car elle intègre toutes les parties prenantes, les actionnaires n’en étant qu’une des composantes et ne pouvant donc voter pour la valider.

Derrière ces restrictions des droits des actionnaires, on retrouve une réalité : les administrateurs sont le plus souvent cooptés par le Conseil d’administration et son Président. Ils se considèrent rarement choisis et élus par les actionnaires quand les sociétés ne sont pas détenues par des familles. Ils n’ont donc pas de compte à rendre aux actionnaires qu’ils considèrent d’abord comme des investisseurs financiers préoccupés en premier lieu par le dividende et la plus-value boursière (il faut dire que jusqu’à récemment la plupart des investisseurs ne raisonnaient qu’en “financier »). Ces administrateurs ne comprennent pas que certains actionnaires puissent intervenir en Assemblée générale pour remettre en cause leurs décisions ; Mettre au vote d’une assemblée générale une proposition émanant de certains actionnaires, et non du Conseil d’administration, est vue comme une “agression”.

En 2024, le Parlement français devrait se prononcer sur une nouveauté législative donnant la possibilité de droits de vote multiple aux actionnaires de jeunes sociétés entrant en bourse. L’objectif : éviter qu’elles soient contrôlées par un actionnaire non “historique” ou qu’elles aillent se faire coter aux Etats-Unis où ces droits existent. Que les fondateurs des GAFA puissent contrôler leurs entreprises avec quelques pour cent ne semble pas effrayer tous ceux qui poussent cette proposition : la gouvernance de Volkswagen (droit de vote double à la famille fondatrice qui contrôle la société…) ou celle de Vivendi (le groupe Bolloré contrôle le groupe avec des droits de vote double).

Le régulateur européen appelle les investisseurs à devenir des investisseurs responsables, afin de favoriser le développement d’entreprises qui agissent pour le bien de la communauté. Encore faudrait-il que le même législateur comprenne que sans démocratie actionnariale, il n’y aura pas de contre-pouvoir pour éviter que certains dirigeants (heureusement pas tous…) n’agissent que dans l’intérêt de quelques actionnaires et/ou d’eux-mêmes.

Espérons qu’en 2024 la démocratie actionnariale se renforcera pour le bien de toutes les parties prenantes. Très belle et bonne année 2024 !

Olivier De Guerre

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