12 mars 2024

Entrée en vigueur du nouveau label ISR le 1 mars : Schizophrénie de notre société sur les questions climatiques ?

La demande de pétrole et de gaz ne disparaitra pas entièrement

TotalEnergies est détenue aujourd’hui par 47% d’investisseurs anglo-saxons

Après plusieurs années de débats, l’État a tranché et validé la modification des principes du label ISR et notamment décidé d’exclure les investissements dans les entreprises d’énergie fossile qui lancent de nouveaux projets d’exploration et de raffinage comme TotalEnergies, BP ou ENI. Même si ces sociétés mettent en place des plans d’actions de réduction de leurs émissions en accord avec l’Accord de Paris, en faisant auditer par des experts leur progrès en lien avec cet objectif, aucun fonds actuellement labellisé ISR ne pourra plus les détenir au 1er janvier 2025.

Il accepte en revanche qu’il y ait dans les fonds distingués par le label des sociétés automobiles pouvant continuer à produire des voitures thermiques qui ont besoin de pétrole, gazole…

Les partisans du label ISR « nouvelle formule » indiquent que l’épargnant ne pouvait pas comprendre qu’il y ait des actions TotalEnergies dans un fonds dit “socialement responsable”. Et pour Renault, Stellantis, Air France… une autre logique ?

Mais les mêmes épargnants prennent bus, taxi, voiture, avion, … ; ils achètent des marchandises qui transitent par bateau, camion, … ; ils mangent des produits agricoles produits avec des tracteurs très polluants… Nous sommes encore très dépendants des énergies fossiles, et, quel que soit le scénario envisagé, la demande de pétrole et de gaz ne disparaitra pas entièrement : elle diminue de 2 % par an en moyenne jusqu’en 2050 dans le scénario des engagements annoncés (APS) et de 5 % par an dans le scénario des émissions Net Zero d’ici à 2050 (NZE).

Par ailleurs, ce ne sont pas les « majors », mais bien les compagnies pétrolières nationales qui sont les plus gros propriétaires de la production et des réserves (60% vs 13%).

Ainsi, la solution la plus efficiente n’est-elle pas d’accompagner les entreprises productrices ou dépendantes d’énergies fossiles vers des alternatives en les poussant régulièrement à prendre des engagements ambitieux de réduction des émissions ?

Depuis 2017 Phitrust dans sa Sicav Phitrust Active Investors interpelle et accompagne toutes les entreprises du CAC 40 pour qu’elles s’engagent au sein de l’initiative “SBT” à des objectifs concrets de réduction de leurs émissions. En 2017, seulement 6 sociétés avaient des objectifs validés par le SBTi ; en 2024, 30 ont des objectifs validés et 7 sont adhérentes dans l’attente de soumettre leurs objectifs aux SBTi. Pour les sociétés non adhérentes (Stellantis, Société Générale , TotalEnergies), nous poursuivons le dialogue. En parallèle, SBTi continue de progresser dans sa méthodologie sur le secteur pétrole et gaz en s’appuyant sur le retour des entreprises du secteur et des experts indépendants.

Malheureusement, notre stratégie de gestion et notre activité d’engagement actionnarial auprès de ces entreprises énergétiques ne seront plus considérées comme éligibles au nouveau label ISR !

Le risque est que les gérants, pour garder le label, excluent de leurs portefeuilles les sociétés fossiles. Les institutionnels voulant montrer qu’ils sont aussi “socialement responsables” feront de même et toute l’épargne française ne sera plus investie dans des sociétés françaises dont nous avons besoin au quotidien car nous continuons à consommer, acheter des biens et services basés sur l’énergie fossile…

TotalEnergies est détenue aujourd’hui par 47% d’investisseurs anglo-saxons, les membres de son Conseil sont majoritairement non français et la société a le statut de société européenne. Nous n’aurons que nos yeux pour pleurer quand elle sera majoritairement détenue par des anglo-saxons qui demanderont à l’entreprise de monter ses prix à la pompe, diminuer ses investissements renouvelables pour augmenter sa rentabilité et probablement un jour délocaliser le siège social aux Pays-Bas, pays moins interventionniste que la France. Même scénario possible pour Eramet, englué dans ses usines non rentables en Nouvelle Calédonie.

Les médias, les politiques parlent de souveraineté économique et parallèlement encensent cette « doxa » de l’ISR qui est plus exigeante que la législation européenne et en complète contradiction avec notre mode de vie.

Il est regrettable que les gestionnaires d’actifs n’aient pas réagi comme les agriculteurs à cette stratégie française de la normalisation climatique qui ne prend pas en compte la réalité de notre monde dans lequel nous vivons et des efforts que les entreprises mettent en œuvre pour tenir compte de l’urgence du changement climatique.

L’urgence climatique est là, il faut agir en tant qu’épargnant. Au lieu d’exclure tout en continuant à prendre sa voiture, l’avion, … accompagnons plutôt de façon exigeante les entreprises pour qu’elles accélèrent leur transition et atteignent les objectifs de l’Accord de Paris.

Tel est le sens de notre engagement chez Phitrust. Investissez dès aujourd’hui dans notre Sicav engagement France. Continuons à être des actionnaires actifs et responsables pour accélérer la transition avec des objectifs concrets pour 2030. Et merci à tous les actionnaires de notre Sicav qui l’ont compris et nous accompagnent dans ce chemin difficile de l’engagement pour la planète !

Olivier De Guerre

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