17 novembre 2023

Il faudra du temps pour transformer nos entreprises. Les investisseurs leur en donneront-ils ?

Il faudra du temps pour transformer nos entreprises. Les investisseurs leur en donneront-ils ?

La nervosité actuelle des marchés reflète la grande incertitude géopolitique, économique et financière dans laquelle nous sommes alors même que les enjeux climatiques et sociaux sont de plus en plus prégnants. L’annonce par une entreprise d’une réalité économique et financière plus compliquée qu’attendue (Alstom, Worldline, Siemens…) provoque une chute boursière de 40 voire 60 pct mettant ces entreprises en risque stratégique important sous la pression des investisseurs qui avaient parié sur une croissance d’activité qui ne se réalise pas. Cela va obliger ces entreprises à remettre en cause leur stratégie pour assurer aux actionnaires la rentabilité attendue.

En polarisant l’attention des Conseil d’administration et des dirigeants pour atteindre les objectifs financiers attendus, cette volatilité extrême risque d’arrêter ou au mieux de retarder les investissements nécessaires pour faire pivoter leur activité et s’adapter aux nouvelles contraintes ou opportunités nées du changement climatique que nous constatons concrètement.

Or, l’urgence d’un changement de « business model » est là et nécessite que même en période de crise les investissements continuent et accélèrent pour agir rapidement.

Les entreprises ont besoin de visibilité sur leur actionnariat pour mettre en œuvre ces évolutions stratégiques majeures qui engagent toutes leurs parties prenantes. Le niveau actuel des bourses mondiales, qui ne semble pas réellement tenir compte des risques géopolitiques ou économiques, est bien sûr l’une des raisons de ces chutes brutales du cours de bourse de certaines entreprises. Créant de fait un risque majeur pour la plupart des investisseurs qui vont eux aussi se focaliser sur les perspectives financières à court terme des entreprises de leur portefeuilles.

La logique de la plupart des investisseurs dans leurs choix d’investissements s’appuie aujourd’hui sur la notion de risque-rendement ; cette rationalité financière n’intègre le plus souvent les enjeux sociaux et environnementaux qu’au niveau du risque afin de maximiser le rendement (y compris pour les investisseurs responsables).

Dans certains secteurs liés à l’innovation comme les énergies renouvelables, cette logique peut se comprendre car elle permet de lever auprès des investisseurs des capitaux très significatifs pour accélérer leur développement.

Dans la plupart des autres secteurs où il faut repenser toute la chaîne de valeur, les investissements nécessaires sont colossaux et, avec la plupart du temps, une rentabilité moindre ou qui ne sera pas immédiate… ce qui devrait amener les entreprises à afficher elles aussi une rentabilité moindre voire à diminuer leurs dividendes.

Ce débat est totalement absent des discussions actuelles entre investisseurs et des analyses de la plupart des médias. Cela augure mal de l’engagement à long terme des entreprises et du soutien de leurs actionnaires. Et ce alors même que le législateur européen demande à tous les investisseurs, avec la directive CSRD, et à toutes les entreprises, avec la taxonomie, de rendre compte de leur engagement concret à réduire les conséquences directes et indirectes de leur activité sur le climat, la biodiversité.

Il faudra du temps pour transformer nos entreprises. Les investisseurs leur en donneront-ils ?

Olivier De Guerre

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