Rémunérations
1 septembre 2022

Rémunérations
des dirigeants en temps de crise

La question de la juste répartition de la valeur créée, non seulement entre tous les actionnaires mais aussi entre toutes les parties prenantes, y compris les dirigeants et les salariés, est un enjeu fondamental pour un bon équilibre et le succès de toute entreprise.

Régulièrement la publication de rémunérations très élevées de dirigeants avec des mécanismes de calcul complexes interpellent les actionnaires, les salariés et la presse qui s’en fait l’écho. Autant la révélation d’une forte rétribution pour un entrepreneur qui a pris un risque personnel ne soulève quasiment jamais de questions, autant celle de dirigeants n’ayant pas pris de risque financier est mal comprise. Le cas de Carlos Tavares qui dirige Stellantis (avec un package de rémunération totale de plus de 60 M€) en est l’exemple le plus récent : la fusion n’est pas encore finalisée et les risques sociaux liés à cette fusion ne sont pas encore matérialisés. Sans parler du cas du dirigeant d’Universal Music Group ayant reçu une prime exceptionnelle de plus de 230 M€ liée à l’introduction en bourse du groupe et payée par Vivendi.

Résolutions déposées par Phitrust questionnant les rémunérations : Total, Sanofi, Cap Gemini, Renault, Stellantis,…

La complexité des rémunérations, associée à des changements de fiscalité successifs, a, en général, entraîné les dérives suivantes :

-Une rémunération fixe, quelquefois très élevée et le plus souvent alignée avec les « comparables » (des concurrents américains pour Stellantis même si son activité est principalement en Europe) ;

-Une rémunération variable annuelle attribuée sur la base de critères financiers et, de plus en plus souvent, extra-financiers. Elle est publique et rarement contestée dans le détail. Les contestations sont plutôt sur l’enveloppe globale et son multiple par rapport à la rémunération fixe ;

-Une rémunération variable long terme associée à l’évolution boursière de l’entreprise et attribuée aujourd’hui le plus souvent en France ou en Europe sous forme d’actions gratuites et ce, pour des raisons fiscales (même si la règlementation s’est durcie en 2021 en France) ;

-Une retraite dite « chapeau », équivalente à un complément de retraite par rapport aux systèmes existants, ce qui a permis à de nombreux dirigeants de percevoir des retraites de 1 à 2 M€ alors qu’ils partaient entre 60 et 65 ans… Bien peu, comme Emmanuel Faber de Danone, ont décidé de ne pas la percevoir. Certains, conscients de la dérive, sont allés jusqu’à modifier le système en partant, pour leur successeur mais en gardant la leur…

Quel que soit le schéma retenu, pour la plupart des entreprises le dirigeant n’est pas en risque financier personnel : il est salarié. De surcroit, on compare souvent les rémunérations des dirigeants en France à celles pratiquées par les entreprises américaines, sans préciser que le régime fiscal de leurs dirigeants, quel que soit l’endroit où ils résident, est le régime américain. A l’inverse, les dirigeants européens peuvent bénéficier de la très faible fiscalité des pays où ils décident de s’établir.

Pour remédier à l’incompréhension des salariés et de nombreux actionnaires, il nous semble que le système pourrait être réaménagé de la façon suivante :

-Une partie fixe laissée à la discrétion du Conseil d’administration, votée en AG,

-Une partie variable plafonnée à une ou deux fois la partie fixe, attribuée après le vote en AG,

-Une attribution d’actions gratuites à la même hauteur que l’investissement fait par le dirigeant en achetant des actions de la société, et ce afin qu’il prenne un risque personnel.

-Un plafonnement des retraites chapeaux afin de limiter le coût pour l’entreprise, considérant que les rémunérations du dirigeant lui permettent aussi d’épargner pour sa retraite.

La question de la juste répartition de la valeur créée, non seulement entre tous les actionnaires mais aussi entre toutes les parties prenantes, y compris les dirigeants et les salariés, est un enjeu fondamental pour un bon équilibre et le succès de toute entreprise.

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